Restitution du rapport Biodiversité et Changement climatique

International

Considérer le climat, la biodiversité et la société comme un système couplé est essentiel pour résoudre simultanément les crises climatiques et de la biodiversité. Leurs interconnexions posent des problèmes complexes pour l'élaboration de politiques et de mesures efficaces. Pour étudier la possibilité d’atteindre les Objectifs de Développement Durable, cinquante experts mondiaux, issus des domaines du changement climatique et de la biodiversité, ont contribué à la rédaction d’un rapport qui est rendu public le 10 juin. Parmi ces experts figurent : Sandra Lavorel, directrice de recherche CNRS, Paul Leadley enseignant-chercheur de l’Université Paris Saclay et Camille Parmesan, directrice de recherche CNRS.

Ce nouveau rapport international sur la Biodiversité et le Changement climatique co-porté par l’IPBES et le GIECC montre que connecter les sphères du climat et de la biodiversité est critique au moment où les actions mondiales montent en puissance pour chacune de ces crises. Le déclin de la biodiversité et le changement climatique sont deux des problèmes mondiaux les plus aigus. Cependant, même si les mondes scientifiques et politiques reconnaissent leurs interconnexions, la pratique continue de souffrir d’un traitement en silos. Le rapport alerte que l’échelle et l’ampleur des transformations pour atteindre les objectifs de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, de la Convention sur la Diversité Biologique et les Objectifs de Développement Durable requièrent des actions rapides et profondes, d’un type encore jamais tenté.

Un message central du rapport est que limiter le réchauffement climatique pour assurer un climat habitable et protéger la biodiversité sont des objectifs synergiques. Relever ce grand défi est essentiel pour soutenir les sociétés et leurs dépendances à la nature de manière durable et équitable.

Des solutions basées sur la nature pour atténuer le changement climatique

Le rapport montre comment nombre d’actions sur les continents et les océans peuvent protéger, gérer et restaurer les écosystèmes peuvent simultanément contribuer aux objectifs d’atténuation climatique, d’adaptation au changement climatique et de conservation de la biodiversité, avec de multiple contributions à la qualité de la vie des populations. Ces solutions basées sur la nature peuvent jouer un rôle important pour atténuer le changement climatique. Cependant elles ne peuvent pas remplacer d’ambitieuses et rapides réduction des émissions des gaz à effet de serre. De plus les solutions basées sur la nature seront plus efficaces pour le climat, la biodiversité et les populations si elles sont conçues dans la durée et ne sont pas exclusivement ciblées sur la séquestration rapide du carbone. Le rapport indique qu’éviter et renverser la perte et la dégradation des écosystèmes terrestres et marins riche en carbone et en biodiversité est essentiel pour simultanément atténuer le changement climatique et protéger la biodiversité, avec des co-bénéfices considérables pour l’adaptation. Les pratiques durables d’agriculture et foresterie peuvent améliorer les capacités d’adaptation, promouvoir la biodiversité et augmenter le stockage du carbone dans les agroécosystèmes et les sols et la végétation des forêts, et réduire les émissions de gaz à effets de serre. Les villes créent des infrastructures vertes pour s’adapter au changement climatique et restaurer la biodiversité, avec des co-bénéfices pour l’atténuation climatique. Pour autant, ces solutions basées sur la nature seront très souvent à combiner avec des approches basées sur la technologie et les infrastructures grises.

Certaines mesures parfois délétères pour la biodiversité

A l’inverse, les mesures centrées sur des aspects uniques d’atténuation ou d’adaptation du changement climatique peuvent avoir des effets négatifs déjà connus ou non sur la nature et ses contributions à la qualité de vie des populations. Il s’agit en particulier des cultures de biocarburants à très grande échelle, de l’afforestation d’écosystèmes non naturellement forestiers comme les savanes et de la reforestation par des monocultures, en particulier d’espèces exotiques. Si celles-ci peuvent contribuer à l’atténuation elles sont souvent délétères pour la biodiversité.

De même certaines mesures techniques et technologiques pour l’adaptation comme la construction de grands barrages ou l’irrigation, peuvent complémenter des solutions basées sur la nature comme la restauration des zones humides, mais peuvent aussi avoir de forts impacts négatifs sur la biodiversité et ses bénéfices pour les populations.

Une gestion adaptée, même au niveau local, compte au niveau global

Une gestion adaptée pour la conservation de la biodiversité, par exemple par la gestion des régimes d’incendies, la réintroduction d’espèces critiques ou la gestion des espèces exotiques invasives peut bénéficier simultanément à l’atténuation du changement climatique et à l’adaptation, mais pas toujours. Par ailleurs, les actions locales de conservation de la biodiversité peuvent être guidées et soutenues au travers des objectifs climatiques globaux. Toutes les initiatives locales comptent pour le climat et la biodiversité, et leurs bénéfices sont cumulatifs.

Le rapport conclut que les transformations de la société et de la gouvernance des socio-écosystèmes permettront de soutenir des voies de développement résilientes aux changements du climat et de la biodiversité. La réduction de la consommation individuelle, les changements de régimes alimentaires et une exploitation des ressources réellement durable pourraient contribuer très significativement pour répondre conjointement aux crises de la biodiversité et du climat. Au final, il s’agira de favoriser des basculements sociaux modifiant les relations entre nature et société.

Rapport « Biodiversité et Changement climatique »

La restitution du rapport « Biodiversité et Changement climatique » à retrouver sur Youtube http://bit.ly/BDCCSciencePublic

Le rapport est  disponible sur le site de l’IPBES : https://ipbes.net/events/ipbes-ipcc-workshop

Contact

Sandra Lavorel
Directeur de Recherche CNRS, Laboratoire d’Ecologie Alpine Grenoble (LECA - Université Savoie Mont Blanc / CNRS / Université Grenoble Alpes)
Paul Leadley
Professeur au laboratoire Écologie, systématique et évolution (ESE - CNRS/ AgroParisTech/Univ Paris Saclay)
Camille Parmesan
Directrice de recherche CNRS à Station d'Ecologie Théorique et Expérimentale (SETE - CNRS)