Les albatros sont les oiseaux les plus contaminés par le mercure

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

Le mercure est présent à des concentrations alarmantes chez l’ensemble des albatros à l’échelle mondiale. C’est ce que révèle une étude exhaustive dirigée par le Centre d'Etudes Biologiques de Chizé et le laboratoire Littoral, Environnement et Sociétés, et publiée dans Environmental Pollution. L’augmentation des émissions anthropiques de mercure constitue une menace de plus pour ces géants des mers déjà affectés par la mortalité liée aux pêcheries, les maladies infectieuses et les prédateurs introduits.

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L’albatros d’Amsterdam est l’espèce d’albatros, et donc d’oiseau, la plus contaminée au monde par le mercure. C’est également l’espèce d’albatros la plus rare. Il a été redécouvert récemment et sa population est entièrement suivie annuellement depuis 1981. © Jean-Baptiste Thiébot CEBC / IPEV

Connu depuis l’antiquité, le « vif-argent » est un métal hautement toxique considéré par les instances internationales comme la troisième substance la plus dangereuse pour la vie. Présent sous forme de minerai, le mercure est mobilisé à la fois naturellement et à travers des activités humaines en pleine croissance (utilisation des combustibles fossiles, extraction de l’or). Transporté par les courants atmosphériques et marins il peut atteindre les endroits les plus éloignés de toute source de pollution.

Dans l’océan Austral, cet élément se retrouve à des niveaux inquiétants chez les albatros – espèces emblématiques des mers du Sud – ce qui en fait le groupe d’oiseaux le plus contaminé mondialement. C'est ce que révèlent les travaux impliquant un réseau de collaborateurs internationaux coordonné par des chercheurs du Centre d'Etudes Biologiques de Chizé et du Laboratoire Littoral, Environnement et Sociétés (CNRS/Université de La Rochelle). Ce réseau a permis la collecte de plumes sur plus de 500 albatros adultes et d’en mesurer la teneur en mercure à une échelle populationnelle et spatiale exceptionnelle car couvrant tout l’océan Austral (35 populations des 18 espèces de l’hémisphère Sud). La concentration en mercure est particulièrement élevée chez les albatros du genre Diomedea, les plus grands oiseaux volants actuels, avec une envergure de près de 3,5 m. Des résultats préliminaires ont montré l’impact négatif du mercure sur le système immunitaire et sur la capacité de se reproduire chez ces oiseaux. Evaluer les conséquences comportementales, physiologiques et démographiques du mercure sur les albatros devient donc une priorité en biologie de la conservation pour les années à venir.

Les albatros sont len effet les oiseaux de mer les plus en danger et ils sont tous classés de « quasi menacés » à « en danger critique » sur la liste rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Les raisons de leur déclin sont multiples mais la mortalité due aux pêcheries industrielles est en première ligne, de même que les changements environnementaux qui incluent maintenant l’augmentation du mercure océanique qui se propage et se concentre le long des réseaux alimentaires.

Les résultats, publiés tout récemment dans la revue Environmental Pollution, ont cependant permis de décrire une stratégie originale de détoxication du mercure chez les albatros. Ceux-ci n’excrètent dans leurs plumes que le mercure alimentaire ingéré pendant la mue, alors que les autres espèces étudiées jusqu’ici excrétaient dans leur plumage tout le mercure accumulé entre deux périodes de mue. Cette étude, soutenue par l'Institut Polaire Français (IPEV) et la Zone Atelier Antarctique (CNRS) démontre l’importance du rôle de la France en recherche polaire et de ses responsabilités en termes de conservation dans la mesure où l’espèce la plus contaminée, le rare albatros d’Amsterdam dont la population n’excède pas 200 individus adultes, ne niche que sur la seule île d’Amsterdam, qui dépend des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF).

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La teneur en mercure des plumes d’albatros fuligineux à dos clair muées en Antarctique est beaucoup plus faible que dans celles muées plus au Nord, ce qui indique : (i) que le mercure est plus biodisponible pour les albatros dans les eaux tempérées qu’antarctiques, et (ii) que les albatros excrètent dans leur plume le mercure qui provient directement de leur alimentation pendant la période de mue. © Yves Cherel CEBC / IPEV

 

Références :

Accumulate or eliminate? Seasonal mercury dynamics in albatrosses, the most contaminated family of birds,  Yves Cherel, Christophe Barbraud, Maxime Lahournat, Audrey Jaeger, Sébastien Jaquemet, Ross Wanless, Richard Phillips, David Thompson, Paco Bustamante publié dans Environmental Pollution 241, 124-135

Contacts chercheurs

Yves CHEREL
Centre d'Etudes Biologiques de Chizé - CEBC (CNRS / Université de la Rochelle)
cherel@cebc.cnrs.fr

 

Paco BUSTAMANTE
Littoral, Environnement et Sociétés - LIENSs (CNRS / Université de la Rochelle
pbustama@univ-lr.fr

Contact communication

Bruno MICHAUD
Centre d'Etudes Biologiques de Chizé - CEBC (CNRS / Université de la Rochelle)
05 49 09 67 43 - bruno.michaud@cebc.cnrs.fr