Des virus communiquent entre eux pour coordonner l’exploitation de leur hôte

Résultats scientifiques Ecologie de la santé

Certains virus de bactéries ont acquis la capacité de communiquer entre eux pour décider quand ils doivent s’intégrer dans le génome de leur hôte. Des travaux publiés dans la revue Current Biology démontrent que les virus dormant dans le génome de leurs hôtes peuvent également communiquer pour se réactiver. Cette réactivation correspond à une stratégie virale plus agressive menant à la lyse de la cellule hôte infectée et à la libération de virus libres. La compréhension de l’évolution et de la régulation du cycle viral permet d’envisager de nouvelles stratégies thérapeutiques basées sur la manipulation de cette communication virale.

Les bactériophages dits « tempérés » sont des virus qui doivent choisir entre différentes stratégies d’exploitation de leurs hôtes bactériens : (1) la lyse de la cellule hôte, qui libère un grand nombre de particules virales, (2) l’intégration dans le génome de l’hôte (lysogénie), qui le préserve et permet une transmission verticale du prophage (virus intégré) dans les cellules bactériennes filles. La lyse est une stratégie agressive particulièrement efficace quand la ressource en hôtes est abondante. En revanche, la lysogénie peut devenir une stratégie plus adéquate quand il existe très peu d’hôtes disponibles. Mais comment font les virus pour savoir si la ressource en hôtes est abondante ou non ? 

Certains virus ont acquis des adaptations particulièrement ingénieuses pour obtenir une information indirecte sur les fluctuations de la densité bactérienne : ils communiquent entre eux à l’aide d’un peptide – arbitrium – qu’ils libèrent dans l’environnement. Quand la concentration de ce peptide devient importante, c’est le signe d’une grande quantité de virus. Dans ce cas, le virus préfère choisir une stratégie prudente en s’intégrant dans le génome de l’hôte. Les scientifiques ayant mené cette étude ont découvert que le prophage utilise également la concentration d’arbitrium pour réactiver un cycle lytique. En effet, une concentration très faible d’arbitrium peut être le signe d’un afflux soudain de ressources en hôte. Dans ce cas, il est préférable d’adopter un cycle de vie plus agressif.

Cette étude est basée sur une combinaison d’approches théoriques et expérimentales. Les modèles théoriques permettent de mieux comprendre que l’évolution du choix entre un mode de vie agressif ou prudent est basée sur la valeur reproductive des virus dans le stade libre ou dans le stade prophage. Ces modèles permettent de prédire l’effet de la concentration d’arbitrium sur le taux de réactivation du prophage et sur le taux de lysogénie. Ces prédictions permettent d’éclairer le comportement du bactériophage phi3T, un virus tempéré qui infecte la bactérie Bacillus subtilis. D’autres virus tempérés infectent des bactéries pathogènes de l’humain. Les virus tempérés sont nombreux et certains infectent des bactéries pathogènes de l’humain, une meilleure compréhension des mécanismes de communication virale permettra peut-être de concevoir de nouveaux moyens de manipuler ces pathogènes en communiquant avec leurs virus.

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Représentation graphique indiquant comment le choix entre un cycle lytique et un cycle lysogénique fluctue avec la concentration d’arbitrium. Ces fluctuations permettent aux virus de faire coïncider la décision de lyser la bactérie au moment où la valeur reproductive de la production de virus libres est plus importante que la valeur reproductive d’un virus intégré dans le génome bactérien.

 

Laboratoire CNRS impliqué

Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE - CNRS / Université de Montpellier / IRD / EPHE)

Objectifs de développement durable

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  • Objectif 3 : bonne santé et bien être

Référence

Bruce, J. B., Lion, S., Buckling, A., Westra, E. R., & Gandon, S. (2021). Regulation of prophage induction and lysogenization by phage communication systems. Current Biology. https://doi.org/10.1016/j.cub.2021.08.073

Contact

Sylvain Gandon
Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE - CNRS / EPHE / IRD / Univ. Montpellier)
Paula Dias
Contact communication - Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE - CNRS / EPHE / IRD / Université de Montpellier)