Certaines souches bactériennes intestinales ont suivi la diversification génétique des populations humaines

Résultats scientifiques

Des travaux de l'équipe de Ruth Ley (Max Planck Institute, Tübingen, Allemagne) auxquels a été associée Laure Ségurel (LBBE) viennent d'être publiés dans Science. Ces recherches sur le microbiote intestinal d'individus de différents continents montrent que certaines souches bactériennes ont une histoire évolutive qui reflète celle des humains. Ces bactéries semblent de plus avoir des génomes de taille réduite, signe potentiel de leur plus forte dépendance à l'hôte.

Les bactéries du microbiote intestinal ont à la fois une transmission verticale forte, du fait des contacts importants entre parents et enfants, et une transmission horizontale non négligeable, du fait de contacts avec d’autres individus et avec l’environnement de manière générale. Quand les bactéries deviennent fortement dépendantes de leurs hôtes, et qu’elles ne peuvent plus bien survivre dans l’environnement extérieur, la transmission horizontale est réduite. Dans certains cas extrêmes, comme par exemple pour Helicobacter pylori qui réside dans l’estomac, l’histoire évolutive bactérienne reflète alors parfaitement l’histoire évolutive des populations humaines et peut servir de marqueur des migrations humaines récentes.

Pour mieux comprendre à quel point les bactéries du microbiote intestinal sont intimement liées à leurs hôtes humains, nous avons étudié la diversité génomique de 60 souches bactériennes intestinales chez 1225 individus vivant en Europe, en Asie et en Afrique, et nous avons croisé les données microbiennes avec la diversité génomique des individus les portant. En comparant les arbres phylogénétiques humains et bactériens, nous avons trouvé que certaines souches présentent des patrons de co-diversification significatifs, c’est à dire que l’histoire évolutive de ces souches est statistiquement corrélée à celles des populations humaines. Bien que ce genre de patrons ait été précédemment démontré à l'échelle de différentes espèces, comme les primates, cela n'avait jamais été étudié au sein des populations humaines. 

De plus, les souches les plus fidèles aux populations humaines, appartenant souvent au phylum des Firmicutes, semblent avoir évolué vers une plus forte dépendance à l’hôte, comme suggéré par leur génomes réduits et une sensibilité plus forte à des facteurs externes tels que les niveaux d’oxygène et la température.

Ces recherches permettent de mieux appréhender les différences de diversité bactérienne entre populations humaines, avec des implications potentielles en santé publique, et nous aident à comprendre comment les relations symbiotiques hôte-microbiote évoluent dans le temps. De futures recherches seront nécessaires pour étudier dans quelle mesure des adaptations réciproques de l’hôte vers ses bactéries ont accompagné ces évènements de coévolution. 

Illustration
Collecte de données anthropologiques au Cameroun. © Laure Ségurel

 

Objectifs de Développement Durable

ODD

  • Objectif 3 : Bonne santé et Bien-être

Laboratoire CNRS impliqué

  • Laboratoire de Biométrie et Biologie Evolutive (LBBE - CNRS / VetAgro Sup / Université Claude Bernard)

Référence

Taichi A Suzuki;  J Liam Fitzstevens; Laure Ségurel et al; Codiversification of gut microbiota with humans; Science; 2022 Sep 16;377(6612):1328-1332

Contact

Sylvain Charlat
Correspondant communication | Laboratoire de biométrie et biologie évolutive (LBBE - CNRS / Université Claude Bernard / Vetagro Sup)
Laure Ségurel
LBBE (CNRS / VetAgro Sup / Université Claude Bernard)