Le changement climatique menace les écosystèmes insulaires et leur biodiversité unique

Résultats scientifiques

Les caractéristiques des espèces endémiques et le manque d’opportunité d’adaptation dans les îles rendent les écosystèmes insulaires particulièrement vulnérables aux changements climatiques. Une équipe de recherche, affiliée au Laboratoire Ecologie, Systématique, Evolution (ESE – CNRS/Université Paris-Saclay/AgroParisTech), a étudié la vulnérabilité des écosystèmes insulaires aux changements climatiques en prenant comme exemple les mammifères endémiques. Les chercheurs ont ainsi montré que l’ensemble des îles sont associées à un certain niveau de vulnérabilité au changement climatique à venir, mais que ce dernier ne peut être expliqué par la seule exposition à cette menace. Ces travaux viennent d’être publiés dans la revue Nature Communications.

Le changement climatique pourrait devenir une des causes principales d'extinction et de déclin de population de plantes et d’animaux au cours des prochaines décennies. Il est aujourd’hui primordial d’évaluer la vulnérabilité des écosystèmes face à cette menace, et en particulier dans les îles, car elles représentent à la fois un des hauts lieux de la diversité biologique et sont déjà très fragilisées par les pressions anthropiques. 

La capacité des espèces à faire face aux impacts du changement climatique dépend à la fois de facteurs internes et externes tels que leur exposition à cette menace, les traits biologiques et écologiques qui leur permettent de survivre face aux changements thermiques, mais aussi les caractéristiques des habitats qui peuvent permettre aux espèces d’échapper de zones qui ne leur sont climatiquement plus favorables vers des zones plus favorables à leur survie (ex. : refuge climatique en altitude). Classiquement, les recherches effectuées sur le changement climatique se focalisent sur la relation entre cette menace et la répartition des espèces, sans prendre en compte la capacité des espèces à faire face à ce changement environnemental. Les auteurs de cette étude, affiliés au Laboratoire Ecologie, Systématique, Evolution (ESE – CNRS/Université Paris-Saclay/AgroParisTech) suspectaient donc que cette capacité des espèces soit un des facteurs majeurs expliquant la vulnérabilité aux changements climatiques. Selon Dr Camille Leclerc, auteure principale de l’étude et actuellement basée à l’Unité Risques, ECOsystèmes, Vulnérabilité, Environnement, Résilience (RECOVER - INRAE/Aix-Marseille Université), il n’existait pas à ce jour d’évaluation globale de la vulnérabilité insulaire dans un contexte de changements climatiques en tenant compte à la fois de l’exposition à cette menace et de la capacité des espèces et de l’habitat insulaire à répondre à ces changements.

Dans un article paru dans Nature Communications, les scientifiques ont évalué la vulnérabilité aux changements climatiques de plus de 300 îles et 850 espèces de mammifères endémiques. Cette étude a permis de montrer que près de 60 % des îles étudiés sont associées à une vulnérabilité élevée aux changements climatiques. Les auteurs ont également mis en évidence que l’ensemble des écosystèmes insulaires étudiés montrent un certain niveau de vulnérabilité dont il faudra tenir compte dans le futur, mais que les régions les plus vulnérables aux changements climatiques se localisent principalement dans l’océan Pacifique (voir figure ci-dessous). Fait important, les auteurs soulignent que la Nouvelle-Calédonie, territoire d’Outre-mer, fait partie des principaux archipels vulnérables aux changements climatiques.

Cartographie indiquant la vulnérabilité de 340 îles aux changements climatiques d’ici 2050 (RCP 6.0) sur la base des mammifères endémiques.
Cartographie indiquant la vulnérabilité de 340 îles aux changements climatiques d’ici 2050 (RCP 6.0) sur la base des mammifères endémiques.
© Camille Leclerc

Les auteurs ont ainsi pu dresser un « portrait-robot » des espèces vulnérables aux changements climatiques qui révèlent que les mammifères endémiques insulaires les plus susceptibles de disparaître en raison des changements climatiques sont ceux ayant plutôt un régime alimentaire spécifique et qui présentent des temps de génération élevés, telle que la Roussette rousse (endémique de Nouvelle-Calédonie), ce qui ne leur permettra pas de fuir ou de s’adapter à cette menace dans les décennies à venir.

Comme attendue, la vulnérabilité des îles ne peut être expliquée par la seule exposition aux changements climatiques suggérant l’importance cruciale d’étudier également la sensibilité des espèces et leurs capacités d'adaptation face à cette menace. Cette étude met en évidence le grand potentiel d’une approche comme celle-ci pour évaluer la vulnérabilité des écosystèmes aux changements climatiques futurs. Les auteurs soulignent que les caractéristiques biologiques des espèces et de leurs environnements sont nécessaires afin d’identifier les zones de vulnérabilité. Au-delà de l’identification de zones et d’espèces vulnérables dans un contexte de changements climatiques, ces travaux illustrent l’importance de prendre en compte les facteurs climatiques mais également biologiques dans le développement des stratégies de conservation telles que l’identification de zones de refuges favorable du point de vue climatique à la survie des populations d’espèces.

Les objectifs de développement durables

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  • ODD 13 : Lutte contre les changements climatiques 
  • ODD 15 : Vie Terrestre

Ces recherches soulignent l’impact des changements climatiques à venir sur des écosystèmes terrestres et leur biodiversité : les îles, et apportent des pistes de réflexion quant à la préservation de la biodiversité dans un tel contexte de changement environnemental.

Références

Leclerc C., Courchamp F., Bellard C. 2020. Future climate change vulnerability of endemic island mammals. Nature Communications, 10.1038/s41467-020-18740-x.

Contact

Camille Leclerc
Unité Risques, ECOsystèmes, Vulnérabilité, Environnement, Résilience Unité Risques, ECOsystèmes, Vulnérabilité, Environnement, Résilience (INRAE/Aix-Marseille Université)
Céline Bellard
Laboratoire Ecologie, Systématique, Evolution (CNRS/Université Paris-Saclay/AgroParisTech)
Franck Courchamp
Chargé de mission
Béatrice Albert
Communication - Laboratoire d’Ecologie, Systématique et Evolution (ESE - CNRS, Université Paris-Sud/Paris-Saclay, AgroParisTech)