L’histoire évolutive des langues finno-ougriennes revisitée par l’étude des migrations passées

Résultats scientifiques Interaction Homme-Milieux

Une étude publiée dans le journal Genes, menée en collaboration avec le laboratoire De la Préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie (PACEA - Université de Bordeaux / CNRS / Ministère de la Culture), le Département des Sciences et Biotechnologies de Ferrara (Italie), le département des Sciences de la vie de Ancône (Italie) ainsi que l’école de médecine de Guildford (RU) et le Département des langues et des Sciences du langage de l’Université de York (RU), apporte une meilleure compréhension des mécanismes évolutifs qui ont conduit à la dispersion des trois grande familles de langues parlées en Eurasie.

Les évènements démographiques qui s’opèrent au cours de notre histoire évolutive impactent la diversité des langues et des gènes et selon les théories darwinistes, les analyses phylogénétiques sont un bon moyen de décrire cette relation entre gènes et langues au sein des populations. Dans les années 90, Sokal & Cavalli-Sforza ont testé l’hypothèse de Charles Darwin et ont conclu que les distances génétiques et linguistiques sont fortement corrélées. Cependant, nombre de questions restent ouvertes en raison du manque de données génétiques sur les populations humaines et les limites intrinsèques aux comparaisons linguistiques basées sur le lexique. Les comparaisons lexicales ont montré leur utilité pour comparer des langues relativement proches mais restent inutilisables pour des comparaisons à grande échelle entre familles de langues. De plus, des innovations technologiques permettent maintenant de séquencer rapidement des génomes entiers, augmentant la quantité des données génétiques pour les populations à travers le monde.

Une équipe scientifique rassemblant des chercheurs du laboratoire De la Préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie (PACEA - Université de Bordeaux / CNRS / Ministère de la Culture), du Département des Sciences et Biotechnologies de Ferrara (Italie), du département des Sciences de la vie de Ancône (Italie) ainsi que de l’école de médecine de Guildford (RU) et du Département des langues et des Sciences du langage de l’Université de York (RU) a profité des dernières innovations méthodologiques pour comparer les données génétiques et syntaxiques et explorer l’origine et les dynamiques de dispersion des langues indo-européennes (IE), ouraliennes (UR) et altaïques (AL) en Eurasie. Ils montrent que les langues de ces 3 grandes familles appartiennent à 3 clusters très différents au sein des analyses phylogénétiques et que les langues ouraliennes les plus distantes partagent des similarités évidentes avec les langues géographiquement voisines appartenant aux autres familles de langues. Les populations les plus à l’ouest parlant les langues ouraliennes sont aussi génétiquement plus proches de leurs voisins parlant les langues indo-européennes, et les populations les plus à l’est parlant la langue ouralienne Khanti sont plus proches génétiquement des populations communiquant avec des langues altaïques. L’équipe a finalement tenté d’interpréter cette diversité démographique et linguistique européenne en comparant les données de l’ADN ancien et moderne. Nous identifions la région Ponto-Caspienne comme le probable berceau des processus démographiques qui ont permis l’expansion des langues finno-ougriennes en Europe. Cette étude, parue dans la revue Genes montre et quantifie une possible convergence syntaxique secondaire des langues des différentes familles, suggérant l’action d’autres évènements démographiques complexes après une première vague de dispersion. 

SANTOS
Dispersion géographique et Analyse en Composante principale des variations génomiques. Les populations parlant une des langues indo-européennes, finno-ougriennes et altaïques sont indiquées respectivement par des cercles, carrés et triangles. (a) Localisation des échantillons utilisés dans l’analyse, (b) projection des deux premières dimensions de l’ACP des variations génomiques des populations parlant une des trois grandes familles de langues. Illustration Patricia Santos, PACEA


 

Référence

More Rule than Exception: Parallel Evidence of Ancient Migrations in Grammars and Genomes of Finno-Ugric Speakers. Patrícia Santos, Gloria Gonzàlez-Fortes, Emiliano Trucchi, Andrea Ceolin, Guido Cordoni, Cristina Guardiano, Giuseppe Longobardi, Guido Barbujani. Genes. 2020

Contact

Patricia Santos
De la Préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie (PACEA - Université de Bordeaux / CNRS / Ministère de la Culture)
Anne-Cécile Baudry-Jouvin
Correspondante communication - De la préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie (PACEA - CNRS/Univ. de Bordeaux/Ministère de la Culture)