Cinq fois plus de gardes et gestionnaires nécessaires pour les aires protégées d’ici à 2030

Résultats scientifiques

Alors que les gouvernements se réunissent pour s'engager à protéger 30 % des terres sauvages de la planète d'ici à 2030, les effectifs sont loin d'être suffisants pour gérer et garder efficacement les zones protégées actuelles. Une étude impliquant un chercheur du CNRS et fruit d’une collaboration internationale avec plusieurs ONGs publiée dans la revue Nature Sustainability, montre qu'il faudrait multiplier par cinq le nombre de gardes et de gestionnaires afin d'atteindre les objectifs de protection et de services écosystémiques.

Alors que la Conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP 15) se réunira en Décembre pour conclure les négociations visant à protéger 30 % des terres sauvages de la planète d'ici à 2030, le nombre de gardes et d'autres personnels est loin d'être suffisant pour gérer efficacement les zones protégées et conservées actuelles.

En se basant sur les données de 176 pays et territoires, l'étude estime qu'il n'y a que 555 000 agents des aires protégées dans le monde, responsables de 17 % de la surface terrestre mondiale (plus de 20 millions de kilomètres carrés). Les parcs nationaux, les réserves naturelles, les réserves paysagères, les monuments naturels, les parcs d'État et certaines zones faisant l'objet d'une gestion indigène et traditionnelle durable sont des exemples de zones protégées.

Seuls 286 000 agents qui gardent et gèrent directement les zones protégées, font respecter les lois, travaillent avec les visiteurs et les communautés locales, et surveillent la faune. C’est moins que le nombre de personnes employées dans les terrains de golf et les clubs sportifs privés aux États-Unis. Pourtant, la protection et la gestion efficaces de 30 % de la surface terrestre de la planète d'ici 2030 nécessiteront une main-d'œuvre d'au moins 2,9 millions de personnes, dont 1,53 millions de gardes supplémentaires. Outre les aires protégées gouvernementales, de nombreux nouveaux types d'aires devront être conservés par le personnel des secteurs privé et à but non lucratif et, surtout, par les communautés autochtones et locales qui gèrent leurs propres territoires.

Il s'agit de la première estimation des effectifs mondiaux des aires protégées depuis 1999 et la première à inclure spécifiquement les gardes. L'étude a été menée par une collaboration entre Re:wild, la Commission mondiale des aires protégées de l'UICN, le Leibniz Institute of Zoo and Wildlife Science, le WWF, la Game Rangers Association of Africa, l'International Ranger Federation, la Ranger Federation of Asia, l’Université de Harvard, et un chercheur de l’Institut des Sciences de L'Évolution (ISEM - CNRS/Université de Montpellier). Elle se fonde sur un laborieux travail de récolte des données d’effectifs d’agents employés par les administrations de chaque pays, et des analyses statistiques extensives visant à préciser les incertitudes d’estimation, par deux méthodes de principes très différents mais qui ont donné des résultats congruents.

L'étude souligne également la nécessité non seulement de renforcer les effectifs, mais aussi de reconnaître la gestion des aires protégées comme un service professionnel vital, à l'instar du personnel médical et des premiers secours. Selon l'étude, chaque nouveau membre du personnel des aires protégées pourrait générer des avantages économiques d'une valeur d'au moins 28 800 dollars américains par an. D'autres études ont montré que, dans de nombreux pays, le personnel chargé de la gestion des aires protégées est sous-payé, ne bénéficie pas d'un soutien suffisant, n'est pas formé et subit des conditions de travail inadéquates. 

Arcilio Sepulveda, ranger au sein du Parc National de Patagonie. Crédits : Jan Vincent Kleine
Arcilio Sepulveda, ranger au sein du Parc National de Patagonie. Crédits : Jan Vincent Kleine
Rangers du Parc National de Virunga. Crédits : Virunga National Park
Rangers du Parc National de Virunga. Crédits : Virunga National Park

 

Laboratoire CNRS impliqué

  • Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier (ISEM – CNRS / Université de Montpellier / IRD / EPHE)

Objectifs de développement durable

pictODD

  • Objectif 6 : Garantir l’accès de tous à des services d’alimentation en eau et d’assainissement gérés de façon durable
  • Objectif 13 : Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions
  • Objectif 15 : Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des sols et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité

Référence

Appleton MR, Courtiol A, Emerton L, Slade JL, Tilker A, Warr LC, Álvarez Malvido M, Barborak JR, de Bruin L, Chapple R, Daltry JC, Hadley NP, Jordan CA, Rousset F, Singh R, Sterling EJ, Wessling EG, Long B. Protected area personnel and ranger numbers are insufficient to deliver global expectations. Nature Sustainability 2022 

Contact

François Rousset
Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier (ISEM – CNRS / Université de Montpellier / IRD / EPHE)
Fadéla Tamoune
Communication - Institut des Sciences de l’Évolution de Montpellier (ISEM - CNRS/Univ. Montpellier/IRD)