Comment les amibes libres se transforment-elles en kystes ?

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

Les amibes sont des petites cellules qui hébergent des micro-organismes qui, grâce à leur hôte, sont protégés de nos traitements antimicrobiens. Une équipe scientifique internationale a exploré comment les amibes forment des kystes pour résister aux traitements, en utilisant des approches de transcriptomiques, protéomiques et phospho-protéomiques. Cette étude, parue dans Nature Communications, ouvre des perspectives dans la recherche de nouvelles molécules anti-amibiennes.

amibe Acanthamoeba castellanii
lLamibe Acanthamoeba castellanii sous forme végétative (cellules étalées) ou de kyste (cellule arrondie). © Ascel Samba Louaka

La persistance des micro-organismes dans l’environnement est un sujet d’importance de par ses conséquences sur la santé publique, l’industrie et l’économie. Par exemple, la gestion d’une eau anthropisée nécessite quelques fois de se débarrasser des microorganismes qui s’y trouvent tout en prenant en compte l’existence d’éventuels réservoirs microbiens.

Les amibes libres sont des microorganismes que l’on trouve dans l’environnement. Elles se nourrissent d’autres microorganismes telles que les bactéries qui peuvent, lorsqu’elles échappent à la destruction et survivent en leur sein,, se servir d’elles comme hôte, voire comme vecteur. On qualifie les amibes de « chevaux de Troie » du monde microbien. Les micro-organismes trouvés au sein des amibes sont de facto protégés des stress environnementaux tels que les biocides. 

Une autre caractéristique des amibes est leur capacité à se différencier dans une forme de résistance appelée « kyste »  lorsque les conditions leur sont défavorables. La destruction des kystes priverait les micro-organismes d’un réservoir naturel, ce qui favoriserait leur élimination. Il y a cependant deux difficultés à la destruction des kystes: d’une part le métabolisme dormant de la forme kyste réduit l’efficacité de nombreuses molécules anti-microbiennes, et d’autre part, les kystes sont couverts d’une paroi en carbohydrates (cellulose, chitine) les rendant résistants aux stress physiques. Plutôt que d’essayer de tuer les kystes, empêcher la formation de la paroi pourrait être une stratégie payante pour rendre les amibes sensibles aux anti-microbiens.

Le processus de formation des kystes est appelé « enkystement ». Bien que répandu chez les êtres microscopiques, l’enkystement est très mal connu compte-tenu de la multitude des processus utilisés et du peu de donnés génétiques (ou d’outils moléculaires) chez les organismes concernés.

Une équipe scientifique internationale a exploré au niveau moléculaire l’enkystement de l’amibe Acanthamoeba castellanii. Cette dernière est un réservoir environnemental de nombreux pathogènes humains telle que la bactérie Legionella pneumophila, responsable de la légionellose. Les résultats de ce travail publiés dans le journal Nature Communications confirment une observation déjà rapportée par Griffiths et Bowen il y a 50 ans de cela, à savoir que l’enkystement induit une forte activité de déphosphorylation au sein de l’amibe. Les scientifiques ont complété leur phospho-protéome par une analyse du transcriptome et du protéome qui a montré que la déphosphorylation est suivie d’une forte expression des gènes liés à la dégradation protéique ou à la synthèse des

carbohydrates. Par ailleurs, ils ont observé une diminution de la quantité d’ARNm des gènes impliqués dans la mitose, la maturation des ANR, la réparation de l’ADN ou la réplication, contribuant à la réduction de l’activité métabolique des kystes.

Ces travaux dressent un atlas des modifications observées aux niveaux des transcrits, des protéines et des phospho-protéines durant les premières heures de l'enkystement de l'amibe A. castellanii. Cette masse de données devrait vraisemblablement aider à comprendre la chorégraphie moléculaire mise en jeu par d’autres organismes capables de s’enkyster tels que les pathogènes responsables de l’amibiase ou de la toxoplasmose.

plan expérimental utilisé pour étudier l'enkystement d'A. castellanii in vitro
Plan expérimental utilisé pour étudier l'enkystement d'A. castellanii in vitro. Les échantillons ont été récoltés à 0 h (échantillon de référence - T0), 1, 4 et 8 h après le déclenchement de l'enkystement (E) ainsi que dans la condition de contrôle (C). Les ARNs et les protéines ont été extraits. Les protéines ont été digérées à la trypsine et les phospho-peptides ont été enrichis. Les trois échantillons ont été analysés avec le pipeline décrit à droite. DR différentiellement régulé, DE différentiellement exprimé, GO ontologie des gènes.

 

Laboratoire CNRS impliqué

Laboratoire Ecologie et Biologie des Interactions (EBI - CNRS / Université de Poitiers)

Objectifs de développement durable

PictODD

  • Objectif 3 : Bien-être et bonne santé

Ces travaux ont pour objectif de mieux connaître les amibes afin de proposer des possibles cibles dans l’élaboration de nouvelles molécules anti-amibiennes. Ces futurs traitements seraient proposés en santé (traitement anti-amibes) et dans l’industrie (via la désinfection de l’eau).

Référence

A time-resolved multi-omics atlas of Acanthamoeba castellanii encystment. Bernard C, Locard-Paulet M, Noël C, Duchateau M, Giai Gianetto Q, Moumen B, Rattei T, Hechard Y, Jensen LJ, Matondo M, Samba-Louaka A. Nat Commun. 2022 Jul 14;13(1):4104. doi: 10.1038/s41467-022-31832-0.

Contact

Ascel Samba Louaka
Laboratoire Ecologie et Biologie des Interactions (EBI - CNRS / Université de Poitiers)
Isabelle Giraud
Communication - Laboratoire Ecologie et Biologie des Interactions (EBI - CNRS / Université de Poitiers)