Des étangs piscicoles préhispaniques dans la savane bolivienne

Résultats scientifiques

Une nouvelle étude publiée dans la revue PLoS One par une équipe internationale (Brésil, France, Bolivie et Allemagne) impliquant un chercheur CNRS du laboratoire d’Archéozoologie, Archéobotanique : Sociétés, pratiques et environnements (AASPE – CNRS/MNHN) révèle qu'un réseau d'étangs a permis une installation humaine permanente dans les zones arides saisonnières de Bolivie il y a plus de 1 000 ans. Les résultats, basés sur l’étude de plus de 17 000 restes de poissons, suggèrent que la pêche dans ces étangs a joué un rôle important dans l'économie des sociétés préhispaniques de cette partie de l'Amazonie. Cette étude est la première à documenter une large gamme d’espèces de poissons amazoniens, dont plusieurs sont particulièrement adaptées à la survie en saison sèche. Elles auraient été conservées dans des étangs et des canaux construits par l’homme.

Une étude publiée dans la revue PLoS One par Gabriela Prestes-Carneiro de l'Université fédérale de l´Ouest du Para, Brésil, et ses collègues de France, Brésil, Allemagne et Bolivie révèle qu'un réseau d'étangs piscicoles a permis une installation humaine permanente dans les zones saisonnièrement arides de Bolivie il y a plus de 1 000 ans. Les résultats suggèrent que la pêche dans les zones éloignées des principaux fleuves et lacs a joué un rôle important dans l'économie des sociétés préhispaniques de cette partie de l'Amazonie.

Impliquant un chercheur CNRS du laboratoire d’Archéozoologie, Archéobotanique : Sociétés, pratiques et environnements (AASPE – CNRS/MNHN), cette étude est la première à documenter toute la gamme des espèces de poissons qui ont probablement été conservées dans les étangs et les canaux construits lors de la dernière phase d'occupation du site. Les habitants de la région ont appris à utiliser les surplus saisonniers d’eaux de pluie en retenant l'eau pour son usage en saison sèche, démontrant ainsi leur connaissance des régimes pluviométriques et des caractéristiques topographiques et hydrologiques de leur territoire. La construction de paysages aquatiques gérés aura pu servir à de multiples fins, y compris le stockage de l’eau, le drainage des terres et la gestion piscicole. Cela donne un nouvel aperçu de la façon dont les humains ont modifié l'environnement de la savane pour faire face aux sécheresses de plusieurs mois qui caractérisent cette région du bassin amazonien.

La région des Llanos de Mojos à l´Est de la Bolivie est une vaste plaine qui reçoit des pluies diluviennes d'octobre à avril, puis pratiquement aucune précipitation le reste de l'année. À partir de l'an 500 environ, les humains ont commencé à créer des monticules de terre monumentaux dans la région, sur lesquels des établissements permanents ont été établis jusqu'en 1400 de n.è. L'un d’eux, appelé Loma Salvatierra, situé à plus de 50 kilomètres de la rivière principale la plus proche et de la ville de Trinidad (Beni), est un site archéologique important. Des travaux antérieurs ont établi l'existence d'une série d'étangs peu profonds entourés de murets de terre et reliés entre eux par des canaux, qui auraient capté les précipitations et permis de stocker des réserves d’eau pendant toute la saison sèche.

Dans la présente étude et à l'aide des collections comparative du Muséum national d’histoire naturelle de Paris, les auteurs ont effectué des identifications ostéologiques et taxinomiques sur plus de 17 000 restes de poissons trouvés sur le site. Ils ont identifié plus de 35 taxons de poissons différents, avec quatre types de poissons prédominants : les anguilles des marais, les poissons-chats cuirassés, les dipneustes et les poissons tigres, qui sont tous adaptés aux conditions de faible teneur en oxygène et aux fluctuations du niveau des eaux, comme on peut s'y attendre dans les étangs pendant la longue période sèche.

En s’appuyant sur l’existence de réseaux d'étangs similaires ailleurs dans la région, les auteurs suggèrent que leurs résultats indiquent l'utilisation de ces étangs pour la récolte de la plus grande partie du poisson toute l'année, loin de toute rivière, de tout étang naturel permanent ou de tout autre habitat en eau libre.

Poissons chats
Poissons chats cuirassés de la famille Callichthyidae connus comme "Buchere" en Bolivie, une des espèces les plus abondantes à Loma Salvatierra  (© Carla Jaimes Betancourt).
Les Llanos de Mojos en saison des pluies
Les Llanos de Mojos en saison des pluies (© Gabriela Prestes Carneiro)
Ossements récupérés par tamisage après flottation
Ossements récupérés par tamisage après flottation. Loma Salvatierra (© DAI, Heiko Prümers).
Excavation sur la plate-forme d'habitation centrale du site de Loma Salvatierra (© DAI, Heiko Prümers).
Excavation sur la plate-forme d'habitation centrale du site de Loma Salvatierra (© DAI, Heiko Prümers).

 

Référence

Prestes-Carneiro G., Béarez P., Shock M.P., Prümers H., Jaimes Betancourt C. Pre-Hispanic fishing practices in interfluvial Amazonia: Zooarchaeological evidence from managed landscapes on the Llanos de Mojos savanna. PLoS One. 2019 May 15;14(5):e0214638. doi: 10.1371/journal.pone.0214638.

Contact

Philippe Béarez
Archéozoologie, archéobotanique: sociétés, pratiques et environnements (AASPE - ), CNRS / Muséum national d’histoire naturelle)
Thomas Cucchi
Chercheur en archéozoologie