Détecter les effets du changement climatique sur les populations sauvages : un défi !

Résultats scientifiques

A quel moment les changements climatiques impactent-ils les populations sauvages ? Dans cet article publié dans Nature Climate Change, des chercheuses et des chercheurs du CNRS, des Pays-Bas, de Norvège et des Etats Unis, projettent une population de mésanges dans un futur avec des printemps plus chauds. Ils montrent que le changement d’effectifs causé par le réchauffement climatique a lieu plus précocement que le changement observé sur la survie et la reproduction des oiseaux, indiquant que le climat impacte différemment les niveaux biologiques.

En résumé

  • Les températures printanières influencent les dates de ponte des mésanges, leurs ressources alimentaires, leur survie, leur reproduction et effectifs.
  • A quel moment les effets du réchauffement climatique seront détectables sur la dynamique d’une population de mésanges étudiée aux Pays-Bas ? 
  • La population pourrait décliner dans un futur proche, avant que ne soit observé un changement de dates de ponte ou de reproduction des oiseaux.

Les changements climatiques dus à l’activité humaine peuvent impacter les populations sauvages. Détecter ces effets et les attribuer aux humains reste compliqué pour plusieurs raisons. D’abord, il faut distinguer la variabilité naturelle du climat de la variabilité du climat liée aux émissions de gaz à effets de serre. Ensuite, les populations sauvages ne sont pas seulement impactées par le climat, mais par de multiples facteurs écologiques. Enfin, le climat peut avoir des effets en cascade sur les populations sauvages, influençant les traits des individus (par exemple leurs dates de reproduction), leur taux vitaux (survie, reproduction), allant jusqu’à impacter les effectifs.

Dans ce travail, l’objectif a été d’identifier la date (l’année) à partir de laquelle la dynamique d’une population de mésanges charbonnières aux Pays-Bas changera dû au réchauffement climatique. Cette date est appelée « temps d’émergence » et correspond au moment où le signal du changement climatique émerge de la variabilité naturelle du climat.

Grâce à des données collectées depuis plus de 30 ans dans cette population de mésanges, les chercheurs ont, dans un premier temps, décrit le fonctionnement démographique de la population et développé une modélisation : i) les dates d’apparition des chenilles et les dates de ponte des mésanges dépendent des températures printanières et dans l’idéal, l’éclosion des œufs coïncide avec le pic de chenilles, une ressource importante pour les oisillons ; ii) ceci, de même qu’une forte production de faînes (fruits des hêtres qui constituent une ressource alimentaire importante pour les mésanges) favorise la survie et la reproduction des oiseaux et permet à la population de maintenir son effectif. Dans un deuxième temps, les scientifiques ont utilisé ce modèle démographique et ont projeté la dynamique de la population dans le passé (depuis 1920) et dans le futur (jusqu’à 2100) selon un scénario de réchauffement climatique où celui-ci se poursuit selon la trajectoire actuelle. L’hypothèse était qu’un changement dans les dates de ponte et dans la survie et la reproduction des oiseaux devrait être visible plus tôt qu’un changement d’effectif, permettant alors d’anticiper un éventuel déclin de la population.

Selon ce scénario de réchauffement climatique, les mésanges pondront plus tôt au printemps mais, tout de même, trop tard par rapport à la date d’apparition des chenilles, conduisant à des conséquences délétères pour leur survie et reproduction. La production de faînes sera elle aussi amenée à changer. Qu’elle augmente ou diminue dans le futur, le temps d’émergence est toujours plus précoce sur les effectifs que sur la survie et la reproduction. Ce résultat démontre i) que la détection du temps d’émergence varie selon le niveau de l’organisation biologique considéré (date de ponte, survie/reproduction, effectifs), ii) que, contrairement à l’hypothèse formulée initialement, la population peut décliner avant même qu’un changement dans la dynamique des traits (dates de ponte) ou des taux vitaux ne soit visible.

Mieux comprendre et détecter le moment à partir duquel le climat induit des changements dans les écosystèmes est urgent car ces derniers ont une capacité limitée à s’adapter, et de grands changements en dehors de ceux expérimentés dans le passé peuvent être dévastateurs.

Mésange charbonnière
Mésange charbonnière, crédit : Marlène Gamelon

 

Référence

Gamelon, M., Jenouvrier, S., Lindner, M. et al. Detecting climate signals cascading through levels of biological organization
Natutre climate change, publié le 14 août 2023.
Archive ouverte : HAL

 

Laboratoire CNRS impliqué

Laboratoire de biométrie et biologie évolutive (LBBE - CNRS/Univ. Claude Bernard Lyon 1/VetAgro Sup)

Objectifs de développement durable

pictODD

 

  • Objectif 13 : Lutte contre les changements climatiques
  • Objectif 15 : Vie terrestre

Contact

Marlène Gamelon
Laboratoire de biométrie et biologie Evolutive (LBBE - CNRS/Univ. Claude Berbard Lyon 1/VetAgro Sup)
Sylvain Charlat
Correspondant communication | Laboratoire de biométrie et biologie évolutive (LBBE - CNRS / Université Claude Bernard / Vetagro Sup)