Dynamique mondiale des flux journaliers de carbone organique dissous des bassins versants vers les océans

Résultats scientifiques

Les grands bassins versants de la planète constituent un système clé dans les transferts de carbone organique vers les océans car ils régissent l’activité biologique des écosystèmes estuariens, côtiers et océaniques. Pour la première fois, une étude parue dans Global and Planetary Change proposée par des chercheurs du Laboratoire Ecologie Fonctionnelle et Environnement (CNRS / Univ. Toulouse Paul Sabatier / Toulouse INP) a estimé les flux de carbone organique dissous exportés par les grands fleuves de la planète vers les océans au pas de temps journalier, ce qui permet de capturer au plus près les flux dans des bassins versants complexes sous influence anthropique ou présentant des crues rapides. 

Le carbone organique dissous (COD) est l'une des deux formes de carbone organique avec le carbone organique particulaire (COP). Les apports fluviaux de COD vers les océans à l’échelle de la planète sont déterminants dans la dynamique du carbone des estuaires et des réseaux trophiques océaniques. De fait, les communautés microbiennes consomment du COD et le stock de COD global océanique représente l'un des plus grands réservoirs réactifs de carbone à l'échelle mondiale. Étant donné que divers processus à court terme affectent le COD tout au long du cycle hydrologique, les précédentes estimations des exports de COD par les fleuves sur la base d’exportations interannuelles peuvent ne pas refléter les flux réels exportés, en particulier dans les bassins versants présentant des dynamiques hydrologiques variables et rapides. La prise en compte des concentrations de COD et des débits associés au pas de temps journalier dans les modèles doit améliorer les estimations des flux globaux vers les océans. C’est ce sur quoi s’est penché une équipe de scientifiques du Laboratoire Ecologie Fonctionnelle et Environnement (CNRS / Univ. Toulouse Paul Sabatier / Toulouse INP) et parue dans la revue Global and Planetary Change.

 

Le modèle générique a été développé sur la base d’un grand nombre de données rassemblées à partir de nombreuses études antérieures et de bases de données mondiales sur plus de 340 exutoires de bassins versants incluant les plus grands fleuves du monde et représentant une exportation de plus de 70 % des débits mondiaux, ce qui est représentatif des bassins versants exoréiques de la planète. Ce modèle a ensuite été calibré et validé pour chaque bassin versant. Puis, à l’aide de relations simples entre les paramètres du modèle et des variables environnementales susceptibles de contrôler les flux de COD (stock de carbone organique dans les sols, précipitations annuelles, température moyenne de l’air) et des débits journaliers sur plus de 340 bassins versants exoréiques, les exports globaux de COD vers les océans ont pu être estimés au pas de temps journalier sur les deux dernières décennies.

Un export de 130 TgC.an-1 de COD a pu être estimé avec une contribution plus importante des fleuves tropicaux (49,5 %) et des fleuves influencés par un climat continental (33,3 %). L’apport du pas de temps journalier permet d’affiner la quantification sur les bassins versants à forte variabilité hydrologique, présentant notamment des crues rapides comme le Rhône, le Murray ou l’Ienisseï (voir Figure).

Flux moyens de carbone organique dissous exportés par les grands bassins versants vers les océans sur les deux dernières décennies : a) flux au pas de temps journalier (TgC.j-1) par type de climat ; b) flux moyens annuels par bassin versant (TgC.an-1).

Flux moyens de carbone organique dissous exportés par les grands bassins versants vers les océans sur les deux dernières décennies : a) flux au pas de temps journalier (TgC.j-1) par type de climat ; b) flux moyens annuels par bassin versant (TgC.an-1)

 

En considérant les incertitudes des relations entre paramètres et variables environnementales, l’export de COD vers les océans serait d’environ 160 TgC.an-1, ce qui serait dans la fourchette basse des estimations faites dans les études antérieures (160-450 TgC.an-1). Grâce à cette approche au pas de temps journalier, le modèle est capable de représenter les crues rapides, un avantage que n’ont pas la plupart des études précédentes. Dans un contexte de changement climatique qui affecte grandement les cycles biogéochimiques et particulièrement les écosystèmes aquatiques mais aussi les dynamiques hydrologiques, ces résultats devront permettre d’évaluer par la suite l’impact des modifications des stocks de carbone organique, des précipitations et des températures de l’air sur les flux de COD exportés vers les océans et ainsi d’appréhender les effets à court et long terme sur les grands cycles biogéochimiques océaniques.

Références

C. Fabre, S. Sauvage, J.L. Probst, J.M. Sánchez-Pérez, Global-scale daily riverine DOC fluxes from lands to the oceans with a generic model, Global and Planetary Change, doi: 10.1016/j.gloplacha.2020.103294.

Contact

Clément Fabre
Laboratoire Ecologie Fonctionnelle et Environnement (ECOLAB - CNRS/Univ Toulouse Paul Sabatier/INP Toulouse)
José Miguel Sanchez Pérez
Laboratoire Ecologie Fonctionnelle et Environnement (CNRS/Univ Toulouse Paul Sabatier/INP Toulouse)
Catherine Donati
Correspondante communication - Laboratoire Ecologie Fonctionnelle et Environnement (CNRS/Univ Toulouse Paul Sabatier/INP Toulouse)