Empreintes génomiques de la domestication des chèvres dans les montagnes du Zagros, il y a environ 10 000 ans.

Résultats scientifiques

La partie orientale du Croissant Fertile, longtemps considérée comme marginale, se révèle être un des foyers importants de la domestication animale et végétale. Les chèvres ont été parmi les premiers herbivores domestiqués et sont aujourd'hui une espèce d’élevage économiquement importante.  Une nouvelle étude génétique sur les ossements Néolithique de ces animaux révèle l’origine de leur domestication dans le Zagros iranien il y a 10 200 ans. Ces recherches publiées dans PNAS ont été menées grâce à une collaboration étroite entre archéozoologues et paléogénéticiens, dont les chercheurs du laboratoire d’Archéozoologie, Archéobotanique : Sociétés, pratiques et environnements (AASPE – CNRS / MNHN). 

Le début du Néolithique, dans les montagnes du Zagros dans l'ouest de l'Iran, date entre 11 600 à 9 000 ans avant le présent et fournit quelques-uns des plus anciens témoignages de la gestion et de l'élevage des chèvres (Capra hircus) il y a 10 200 ans, alors que les changements morphologiques détectables sur les os du squelette apparaissent environ 1 000 ans plus tard. Afin d'examiner l'empreinte génomique des débuts de la gestion des chèvres et des implications de celle-ci dans le processus de domestication de cette espèce, des scientifiques, dont certains issus du laboratoire d’Archéozoologie, Archéobotanique : Sociétés, pratiques et environnements (AASPE – CNRS / MNHN), ont analysé 14 nouveaux génomes nucléaires et 32 génomes mitochondriaux provenant de deux sites majeurs du Néolithique acéramique (sans céramique) de l’Iran, Ganj Dareh et Tepe Abdul Hosein. Ces génomes montrent deux groupes de chèvres distincts : ceux qui ont une affinité domestique et un groupe minoritaire avec une plus forte affinité sauvage, indiquant que les chèvres apprivoisées et progressivement domestiquées étaient génétiquement différentes des chèvres sauvages dès cette période initiale.

Chèvre Zagros 2016.  N.N. Fakourzadeh
Chèvre Zagros 2016. 
Crédit photo : N.N. Fakourzadeh

Cette dualité génétique, en parallèle à la présence de consanguinité, du partage d'ascendance avec les populations néolithiques plus tardives et d’un biais sexuel (observés dans les données archéozoologiques, notamment dans les profils démographiques des deux sites) confirment la gestion de la chèvre génétiquement domestique, il y a 10 200 ans.

Chèvre Zagross 2016
Chèvre Zagross 2016
Crédit photo : N. Fakourzadeh

 

Les restes osseux de ces deux sites archéologiques iraniens représentent ainsi les plus anciens génomes de bétail domestiques connus à ce jour avec un mélange inattendu d'ascendances : si la majorité des génomes étaient proches des animaux domestiques, un petit nombre était plus proche des chèvres égagres sauvages. Les études archéozoologiques montrent la perpétuité de la chasse sur les deux sites, ce qui indique que ces premiers éleveurs du Zagros n'ont pas cessé de chasser le gibier tout en maintenant des troupeaux de chèvres.

Berger de chèvre zagros
Berger de chèvre Zagros
Crédit photo : N. Fakourzadeh

 

Les génomes nucléaires et mitochondriaux de Tepe Abdul Hossein et de Ganj Dareh indiquent que ces chèvres étaient ancestrales aux chèvres domestiques ultérieures et déjà distinctes des chèvres sauvages. La combinaison d'une forte diversité d'ADN, d’une absence de signatures de sélection par exemple pour la pigmentation, et la persistance de la morphologie sauvage des restes osseux illustrent la domestication comme un processus étendu qui n’était pas sous la pression d’un fort goulot d'étranglement.

Chèvre Zagros 1996
Chèvre Zagros 1996
Crédit photo : M. Mashkour

Ces résultats sont issus d’une collaboration internationale entre plusieurs Institutions dont le Smithsonian Institute, l'Université de Copenhague, le Centre National de Recherche Scientifique et le Muséum National d’Histoire naturelle de Paris. Il a pu bénéficier du financement du projet ERC-AncestralWeave  dirigé par DT Bradley (Trinity College Dublin), du LIA HAOMA- CNRS dirigé par M. Mashkour et M. Djamali (IMBE-CNRS), et le partenariat entre autres du laboratoire de bioarchaeologie de l’université de Téhéran et le Musée National d’Iran avec qui l’Unité AASPE a des collaborations étendues depuis plus d’une décennie.

Références

Herded and hunted goat genomes from the dawn of domestication in the Zagros Mountains. Kevin G. Daly,Valeria Mattiangelia, Andrew J. Hare, Hossein Davoudi, Homa Fathi, Sanaz Beizaee Doost, Sarieh Amiri, Roya Khazaeli, Delphine Decruyenaere, Jebrael Nokandeh, Tobias Richter, Hojjat Darabi, Peder Mortensen, Alexis Pantos, Lisa Yeomans, Pernille Bangsgaard, Marjan Mashkour, Melinda A. Zeder, and Daniel G. Bradley, PNAS 2021 Vol. 118 No. xx e2100901118 

Contact

Marjan Mashkour
Laboratoire d'Archéozoologie, Archéobotanique : Sociétés, Pratiques et Environnement (AASPE - CNRS/MNHN)