La cistude d’Europe, une tortue prédatrice pour certaines espèces exotiques envahissantes

Résultats scientifiques

Une étude publiée dans la revue Neobiota révèle que la cistude d’Europe, récemment réintroduite sur le site transfrontalier du Neu-Woerr, opère comme un nouveau prédateur pour la moule zébrée et l’écrevisse calicot, deux espèces exotiques considérées comme envahissantes. Les chercheurs mettent ainsi en évidence les bénéfices écologiques ajoutés de cette réintroduction.

En résumé

  • La restauration de zones humides en faveur de la réintroduction de la cistude d’Europe favorise certaines espèces exotiques envahissantes.
  • L'étude des relations trophiques entre la cistude, la moule zébrée et l’écrevisse calicot montre que la tortue est un nouveau prédateur pour ces espèces.
  • Les réintroductions peuvent avoir des bénéfices écologiques supplémentaires lorsque l'espèce réintroduite exploite des espèces non désirées.

Face à l’érosion de la biodiversité, la réintroduction d’espèces constitue une stratégie pour contrer les effets des invasions biologiques, en replaçant volontairement des espèces indigènes dans leur habitat naturel afin de restaurer la biodiversité locale. Dans ce contexte, un projet de réintroduction de la tortue cistude d’Europe (Emys orbicularis) est mené dans la vallée du Rhin supérieur, dans la région transfrontalière du Neu-Woerr, située entre Lauterbourg en France et Neuburg am Rhein en Allemagne. 

Ce site, labellisé "Suivi à long terme en écologie et évolution (SEE-Life)" par l'institut CNRS Écologie & Environnement, a bénéficié d’une restauration écologique comprenant la création de plusieurs points d’eau, ceci afin de favoriser l’installation de cette nouvelle population de tortues. Cependant, cette zone humide a été largement envahie par deux espèces exotiques envahissantes (EEE) : la moule zébrée (Dreissena polymorpha), originaire de la région ponto-caspienne [mers Noire et Caspienne] et l'écrevisse calicot (Faxonius immunis), originaire d’Amérique du Nord. Ces deux espèces dégradent la qualité écologique des zones humides, la moule zébrée à travers l'exploitation intensive du phytoplancton, et l'écrevisse calicot par sa consommation intensive de macrophytes et de macroinvertébrés.  

tortue
Cistude d’Europe sur le site labellisé SEE-Life du Neu-Woerr. ©Jean-Yves Georges

Une équipe franco-allemande de l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC – CNRS / Université de Strasbourg) et de l’Université de Kaiserslautern-Landau a mené une étude sur les interactions trophiques entre la cistude et ces deux espèces envahissantes. Des tests ont été réalisés en captivité afin d’observer les préférences de proies des cistudes, en leur proposant des écrevisses calicot de sexe, taille et dureté de carapace différentes, ainsi que des moules zébrées de tailles diverses. Des échantillons fécaux de tortues ont été prélevés et analysés par génomique environnementale, ciblant l'écrevisse calicot, présente de part et d’autre de la frontière. 

Les résultats confirment que les cistudes se nourrissent d'écrevisses calicot, aussi bien dans la nature qu’en captivité. Elles préfèrent les petits individus, sans préférence pour les écrevisses femelles considérées comme moins agressives. Elles s'attaquent également aux moules zébrées, mortes ou vivantes, avec une préférence pour les plus petits gabarits lorsqu’ils sont vivants. 

Cette étude fournit de nouvelles informations sur le régime alimentaire de cette espèce de tortue, et souligne les bénéfices écologiques des programmes de réintroduction, notamment lorsque l'espèce facilitée contribue à la régulation d'espèces exotiques envahissantes.

Laboratoires CNRS impliqués 

  • Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC – CNRS / Université de Strasbourg)

Référence de la publication 

Kuhn, I. M., Quintard, B., Theissinger, K., & Georges, J. (2025). Trophic interactions between the European pond turtle (Emys orbicularis) and invasive non-native species. NeoBiota. Publié le 27 août 2025. 

Contact

Jean-Yves Georges
Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC – CNRS / Université de Strasbourg)