La diversité génétique des populations de plantes et d’animaux à l’échelle mondiale : mieux la comprendre pour mieux la conserver

Résultats scientifiques

La diversité génétique permet aux espèces de s’adapter face aux modifications de l’environnement. C’est un trésor façonné par l’évolution et la conserver efficacement à l’échelle du globe est devenu une priorité. Dans un article paru dans Nature Communications le 22 janvier 2021, des scientifiques de la Station d’Ecologie Théorique et Expérimentale (SETE - CNRS), de l’Institut de Systématique, Evolution, Biodiversité  (ISYEB - MNHN / CNRS / Sorbonne Université / EPHE / Université des Antilles) et de l’Université de Louvain analysent pour la première fois la distribution de la diversité génétique chez plus de 8000 populations de plantes et d’animaux à l’échelle du globe. Ils démontrent une distribution très hétérogène de cette diversité entre les espèces et les espaces, qui résulte de nombreux facteurs comme le climat ou la longévité des individus. Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives pour la conservation de la biodiversité à l’échelle du globe.

Face aux changements globaux comme le réchauffement climatique, la destruction des habitats ou la pollution, les espèces animales et végétales doivent s’adapter pour persister. La diversité génétique est l’essence qui permet aux espèces de s’adapter par sélection naturelle ; plus elle est élevée, plus les capacités d’adaptation sont importantes. La conservation de cette facette de la biodiversité est donc essentielle. Toutefois, on sait encore mal comment elle est répartie sur Terre ni quels sont les facteurs qui gouvernent sa distribution à une telle échelle. Ces connaissances sont requises pour développer des politiques de conservation qui soient pertinentes et durables.

Dans une récente étude parue dans Nature Communications, un groupe de chercheurs belges et français, issus de de la Station d’Ecologie Théorique et Expérimentale (SETE - CNRS), de l’Institut de Systématique, Evolution, Biodiversité  (ISYEB - MNHN / CNRS / Sorbonne Université / EPHE / Université des Antilles) et de l’Université de Louvain, a synthétisé pour la première fois les données génétiques existantes dans la littérature pour plus de 8000 populations et plus de 700 espèces de plantes et d’animaux terrestres à l’échelle de la planète (Figure 1). En collectant les données génétiques à l’échelle de la population, c’est à dire là où les contraintes environnementales agissent sur les organismes, les auteurs ont pu identifier les facteurs qui influencent la diversité génétique : des facteurs environnementaux (par exemple le climat actuel ou la variabilité climatique au cours des derniers millénaires), mais aussi des facteurs biologiques (les caractéristiques des individus comme leur taille, leur fécondité ou leur longévité) et biogéograhiques (la place de la population au sein de l’aire de répartition de l’espèce).

figure 1

Distribution des populations de plantes (points verts) et animaux (points violet) pour lesquels la diversité génétique a été estimé. Cela couvre plus de 8000 populations et 700 espèces à l’échelle du globe. 

Leurs résultats indiquent que la diversité génétique est distribuée de façon très hétérogène à l’échelle de la planète, mais aussi entre les espèces (Figure 2). Par exemple, les plantes ont en moyenne une diversité génétique beaucoup plus faible que les animaux. De la même façon, au sein des animaux, les amphibiens et les mollusques ont une diversité génétique particulièrement faible (Figure 2), ceci pouvant s’expliquer par la façon dont ces organismes se reproduisent. Certaines généralités ont par ailleurs émergé entre les espèces, comme par exemple l’impact consistant de facteurs climatiques contemporains comme le niveau de précipitation ou la température, ou encore le rôle majeur de caractéristiques individuelles telles que la longévité  (Figure 2). Cette étude confirme par ailleurs l’hypothèse selon laquelle – de façon générale – la diversité génétique est plus forte au cœur de l’aire de répartition d’une espèce plutôt qu’en périphérie, même si des exceptions ont été identifiées, avec des implications importantes en matière de conservation. En revanche, et de façon très surprenante, les auteurs n’ont pas trouvé d’évidence que la diversité génétique était plus forte à l’équateur qu’aux pôles, ce qui remet en question l’idée reçue voulant que tous les niveaux de biodiversité soient plus riches à l’équateur. De manière générale, cette étude montre que la distribution de la diversité génétique est influencée par de nombreux facteurs qui parfois interagissent, ce qui implique que de nouvelles théories soient élaborées pour expliquer sa répartition à l’échelle du globe.

figure 2

La diversité génétique est globalement plus forte chez les plantes (distribution verte, graphe de gauche) que chez les animaux (distribution violette, graphe de gauche). Mais au sein de chaque groupe on observe aussi beaucoup de variation. Par exemple, chez les animaux, les amphibiens (illustré par le Triton alpestre) sont caractérisés par une diversité génétique plus faible que les mammifères (illustré le Cerf élaphe). Ces différences s’expliquent entre autre par la longévité des espèces ; par exemple, chez les plantes la diversité génétique est plus élevée chez les annuelles (illustré par la Rhinante velu) que les pérennes (illustré par le Chêne pédonculé). 
 

La plupart des plans internationaux de conservation de la biodiversité sont actuellement développés à l’échelle des espèces, avec comme principal enjeu le maintien de la diversité des espèces à l’échelle du globe. Néanmoins la diversité génétique propre aux espèces est essentielle car elle constitue le fondement de la biodiversité. Cette étude, en servant de point de référence, est donc une première pierre à l’édification d’une politique globale de conservation de la biodiversité couvrant tous ses niveaux d’organisation, des  gènes aux espèces et aux écosystèmes. 

Les objectifs de développement durable

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  • ODD13 - Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques
  • ODD14 - Vie terrestre
  • ODD15 - Vie aquatique

Ce travail contribue à comprendre la façon dont se répartit la biodiversité des plantes et des animaux à l'échelle du globe, et comment les activités humaines modifient cette répartition. En particulier, cette étude se concentre sur la diversité génétique des êtres vivants qui permet à ces derniers d'évoluer face aux nouvelles pressions comme le changement climatique.

Références

De Kort H., Prunier J.G., Ducatez S., Honnay O., Baguette M., Stevens V.M., and Blanchet S. (2021). Life history, climate and biogeography interactively affect worldwide genetic diversity of plant and animal populations. Nature Communications

Contact

Michel Baguette
Institut de Systématique, Evolution, Biodiversité (ISYEB - CNRS/Sorbonne Univ/MNHN/EPHE)
Simon Blanchet
Station d'Ecologie Théorique et Expérimentale (SETE - CNRS)
Hanne De Kort
Laboratory of Plant Conservation and Population Biology (KU Leuven)
Olivier Guillaume
Correspondant communication - Station d'Ecologie Théorique et Expérimentale (SETE - CNRS)
Catherine Clerc
Correspondante communication - Station d'Ecologie Théorique et Expérimentale (SETE - CNRS)