Exemple d’une plante obsidionale, le crin végétal (Carex brizoides), qui témoigne de la présence éventuelle d’anciennes paillasses de soldats allemands durant la Grande guerre. © J. Lenoir

La technologie LiDAR : une alliée pour l’étude des changements de biodiversité

Résultats scientifiques

Un consortium de recherche européen vient de publier une synthèse dans la revue Journal of Ecology sur les apports de la technologie de télédétection par laser LiDAR (Light Detection And Ranging) pour intégrer et comprendre l’impact des activités humaines anciennes sur la dynamique du délai de réponse de la biodiversité forestière face à des pressions anthropiques plus récentes. L’équipe de recherche a réuni des écologues, des pédologues, des géohistoriens et des spécialistes de la télédétection afin d’illustrer par des exemples concrets comment les données LiDAR peuvent être utilisées de manière transdisciplinaire par la communauté scientifique pour révéler les fantômes du passé et mieux comprendre les changements observés aujourd’hui dans la biodiversité.

Des changements importants de biodiversité ont été documentés au cours des dernières décennies (migrations, extinctions, homogénéisation), souvent en réponse à des modifications des conditions environnementales d’origine anthropique (changement climatique, pollution atmosphérique, artificialisation des sols, introduction d’espèces exotiques envahissantes). Néanmoins, ces réponses du vivant aux forçages anthropiques sont souvent plus lentes que les changements environnementaux eux-mêmes.

Cette inertie dans la réponse du vivant est d’autant plus marquée pour les écosystèmes forestiers qui, à l’échelle humaine, paraissent « figés » dans le temps et où la biodiversité actuelle témoigne parfois d’activités anthropiques très anciennes, y compris avant que le sol ne soit devenu forestier. Ainsi, certaines espèces végétales observées en forêt aujourd’hui sont indicatrices d’anciennes traces d’occupation humaine pouvant dater de la première guerre mondiale, du Moyen Âge ou même de la période antique. C’est le cas des plantes obsidionales qui témoignent d’anciennes traces d’occupation militaire, comme le crin végétal (Carex brizoides) dont la présence en forêt est parfois associée à d’anciennes paillasses de soldats allemands durant la Grande guerre. Il est donc important de bien tenir compte de l’histoire des écosystèmes forestiers (cf. présence de traces d’activités anthropiques anciennes) pour bien comprendre les changements de biodiversité qui s’opèrent aujourd’hui en réponse aux forçages anthropiques plus contemporains.

Pour explorer le passé des écosystèmes forestiers, les écologues bénéficient d’un outil : le LiDAR (pour Light Detection And Ranging). Il s’agit d’une technologie de télédétection par laser qui fonctionne sur le même principe que pour le radar ou le sonar mais utilisant des ondes lumineuses plutôt que des ondes radio ou sonores. Elle est très utilisée aujourd’hui, de manière aéroportée (avion ou drone) ou en station totale au sol, pour constituer des modèles numériques en 3D et en haute définition du bâti, de la ressource forestière ou bien du modelé du terrain. On parle de réalité augmentée.

Caché sous la frondaison des arbres, le modelé des sols forestiers a été généralement bien préservé et très peu remanié, contrairement aux terres agricoles sans cesse remodelées, conservant parfois des empreintes liées à d’anciennes occupation ou activités humaines, comme les vestiges d’anciennes villae gallo-romaines et de leur antique parcellaire agricole. Pour cette étude, l’équipe de recherche s’appuie notamment sur des données LiDAR issues d’un survol de la forêt domaniale de Compiègne pour mettre à jour des trésors archéologiques cachés dans le modelé du terrain forestier. De même, l’analyse fine des formes des arbres et arbustes du sous-étage forestier et des traces récentes laissées par les engins sylvicoles permettent de retracer l’historique de gestion de la forêt. En recoupant toutes ces informations et en tenant compte de cette histoire bimillénaire, les chercheurs et chercheuses suggèrent qu’il est possible de mieux comprendre en quoi les changements de biodiversité observés aujourd’hui, sont des réponses retardées à des forçages anthropiques plus ou moins anciens.

crin vegetal
Figure 1 : Exemple d’une plante obsidionale, le crin végétal (Carex brizoides), qui témoigne de la présence éventuelle d’anciennes paillasses de soldats allemands durant la Grande guerre. © J. Lenoir
nuage de points Lidar
Figure 2 : Extrait d’un nuage de points LiDAR (en haut) issue d’un survol aérien de la forêt domaniale de Mormal (Hauts-de-France, Nord). Extrait du modèle numérique de canopée (MNC en bas à gauche) et du modèle numérique de terrain (MNT en bas à droite), à une résolution de 50 cm par 50 cm, sur la partie nord de la forêt domaniale de Mormal. Le MNC donne la hauteur maximale de la canopée tandis que le MNT permet de dévoiler le modelé du terrain sous la canopée et de révéler de potentielles anciennes traces d’activités ou d’occupations humaines, comme des anciens parcellaires agricoles. © Emilie Gallet-Moron
modele numerique du terrain
Figure 3 : Extrait du modèle numérique de terrain (MNT) à une résolution spatiale de 50 cm par 50 cm sur la partie sud de la forêt domaniale de Compiègne (Hauts-de-France, Oise). Le MNT permet ici de dévoiler les vestiges d’une ancienne villa gallo-romaine et de son antique parcellaire agricole ainsi que des microreliefs en creux correspondant à d’anciennes zones d’extraction, parfois plus ou moins rebouchées, de la marne (cf. marnière) utilisées pour amender les parcelles agricoles dès l’époque gallo-romaine. © Boris Brasseur & Emilie Gallet-Moron

 

Laboratoires CNRS impliqués

  • Ecologie et Dynamique des Systèmes Anthropisés (EDYSAN - CNRS / Université de Picardie Jules Verne)

  • Territoires, Environnement, Télédétection et Information Spatiale (TETIS - AgroParisTech/CIRAD/CNRS/INRAE)

Objectifs de Développement durable

pictODD

  • Objectif 3 : Bonne santé et bien-être
  • Objectif 13 : Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques
  • Objectif 15 : Vie terrestre

Ce travail contribue à l'amélioration des connaissances sur les changements de biodiversité en réponse aux changements environnementaux (changement climatique, pollution atmosphérique, artificialisation des sols, introduction d’espèces exotiques envahissantes).

Références

Contact

Jonathan Lenoir
Écologie et dynamique des systèmes anthropisés (EDYSAN - CNRS/Univ. Picardie Jules Verne)