Le premier humain anatomiquement moderne identifié en contexte châtelperronien

Résultats scientifiques

L’étude menée par le CNRS et quatre laboratoires internationaux concerne l’identification d’un nouveau-né anatomiquement moderne au sein de la collection de restes néandertaliens de la Grotte du Renne (Arcy-sur-Cure, Yonne) attribués au niveau châtelperronien le plus ancien de la cavité. Cette découverte interroge quant à l’identité biologique des artisans du Châtelperronien (-44,5 à -41 000 ans cal BP) et l’arrivée des humains anatomiquement modernes dans les moyennes latitudes de l’ouest de l’Eurasie à une période où ils remplacent les Néandertaliens autochtones. Cette étude est publiée dans Nature Scientific Reports.

En résumé

  • Découverte du fossile d’un nouveau-né anatomiquement moderne au sein d’une importante collection de restes humains néandertaliens attribués au Châtelperronien 
  • Mise en évidence de différences morphologiques entre l’ilion, os du bassin, de périnatals néandertaliens et ceux d’humains anatomiquement modernes
  • Discussion relative à l’identité biologique des artisans du Châtelperronien et aux potentiels contacts entre les Néandertaliens et les premiers groupes humains anatomiquement modernes en Eurasie occidentale

Le déclin des Néandertaliens et l’expansion des premiers groupes anatomiquement modernes en Europe de l’Ouest se produisent entre -45 à -40 000 ans. C’est au cours de cette période de pluralité biologique anthropologique qu’apparaissent sur ce territoire de nouveaux technocomplexes culturels tels que le Châtelperronien, connu dans le nord de l’Espagne, le sud-ouest et le centre de la France. La grotte du Renne à Arcy-sur-Cure (Yonne, France) reste le seul gisement où ont été mis en évidence des niveaux archéologiques châtelperroniens livrant une importante collection de restes humains (n = 64) attribués aux Néandertaliens. Mais, un inventaire récent de cette collection a permis de détecter un fossile inédit : un ilion droit d’un nouveau-né (AR-63). Cet ossement de périnatal ayant la taille, et en vue latérale ou médiale à peu près la forme, d’une pièce de deux euros. Son étude a nécessité une analyse morphométrique 3D très approfondie pour discuter son appartenance taxinomique.

Pour étudier la morphologie d’AR-63, nous avons constitué la plus importante collection d’ilions de périnatals d’humains récents (Nubiens protohistoriques et Français du Moyen Age) et utilisé les deux seuls ilions connus et bien conservés de périnatals néandertaliens. Nos résultats démontrent l’existence de différences morphologiques sur l’ilion entre les deux lignées humaines et ce, dès le plus jeune âge. Une de ces différences, précédemment observée sur les coxaux d’adultes néandertaliens, est considérée comme un trait primitif  de cette lignée humaine, trait absent chez les humains anatomiquement modernes. En s’appuyant sur ces distinctions morphologiques, AR-63se distingue nettement des deux Néandertaliens. Il doit être considéré comme un fossile anatomiquement moderne. De plus, AR-63 se situe en marge de la variabilité humaine récente et présente donc une morphologie qui n’existe pas au sein de notre collection de comparaison. Cela est probablement la conséquence de sa très grande ancienneté chronologique. Ces travaux menés par une équipe internationale ont été publiés dans Nature Scientific Reports.

Ainsi, la présence d’AR-63 au sein de la riche collection de restes humains néandertaliens de la Grotte du Renne à Arcy-sur-Cure pose la question de potentiels contacts entre ces derniers et les nouveaux arrivants anatomiquement modernes en Eurasie occidentale. Elle interroge aussi l’identité biologique des artisans du châtelperronien : étaient-ils Néandertaliens ? ou des humains anatomiquement modernes ? A moins qu’il s’agisse de groupes humains mixtes ayant coexisté et partagé la même culture ?

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Figure 1. A gauche : localisation des sites d’Arcy-sur-Cure. Modifiée d’après données issues de Shuttle Radar Topography Mission, IGN vector et Open Street Map. Crédit : A. Gicqueau. A droite : vue de l’entrée de la Grotte du Renne en 2020. Crédit : B. Maureille. 
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Figure 2. A gauche : ilion droit AR-63 en vue latérale replacé sur un schéma squelettique d’un nouveau-né. Modifié d’après Buikstra et Ubelaker (1994). Crédit : A. Gicqueau. A droite : ilion droit du nouveau-né AR-63 en vue latérale et une pièce de deux euros à la même échelle. Crédit : A. Gicqueau.

 

Référence

Gicqueau A, Schuh A, Henrion J, Viola B, Partiot C, Guillon M, Golovanova L, Doronichev V, Gunz P, Hublin JJ, Maureille B. Anatomically modern human in the Châtelperronian hominin collection from the Grotte du Renne (Arcy-sur-Cure, Northeast France). Scientific Reports, publié le 04 août 2023.

Laboratoires du CNRS impliqués

  • De la Préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie (PACEA, CNRS/Ministère de la Culture/Université de Bordeaux)
  • Travaux et recherches archéologiques sur les cultures, les espaces et les sociétés (TRACES, CNRS/Ministère de la Culture/Université Toulouse Jean Jaurès)

Contact

Arthur Gicqueau
Doctorant - Travaux et recherches archéologiques sur les cultures, les espaces et les sociétés (TRACES, CNRS/Ministère de la Culture/Univ. Toulouse Jean Jaurès)
Bruno Maureille
De la Préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie (PACEA - CNRS/Univ. de Bordeaux/Ministère de la Culture)
Anne-Cécile Baudry-Jouvin
Correspondante communication - De la préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie (PACEA - CNRS/Univ. de Bordeaux/Ministère de la Culture)
Benjamin Marquebielle
Chargé de communication - Travaux et recherches archéologiques sur les cultures, les espaces et les sociétés (TRACES, CNRS/Ministère de la Culture/Université Toulouse Jean Jaurès)