L’effet de la radioactivité naturelle sur les diatomées des sources minérales

Résultats scientifiques Ecologie fonctionnelle

Avoir une bonne compréhension de l’impact de la radioactivité naturelle sur les biocénoses est une question importante qui permet de comprendre le transfert des radionucléides vers le vivant et les conséquences de la molécule sur les organismes peuplant ces biotopes. Afin d'évaluer l'impact de la radioactivité naturelle, nous avons retenu comme micro-organismes modèles, les diatomées. En effet, ce sont des algues utilisées comme bio-indicateurs de la qualité de l'eau. Leur enveloppe de silice se déforme lorsqu’il y a une forte toxicité dans un milieu. Pour cette étude, un suivi de communautés de diatomées a été effectué dans des sites observatoires de la Zone Atelier Territoires Uranifères caractérisés par des niveaux de radioactivité distincts. Dans la source minérale connue comme la plus radioactive en Auvergne (> 4000 Bq L− 1 de radon), les déformations des diatomées sont nombreuses. Ces travaux sont publiés dans la revue Botany Letters, et conduisent à de nombreux questionnements tels que l’intégrité génétique des individus.

Les sources minérales sont bien connues pour leurs propriétés curatives et comme eau de table. Ce qui est moins connu, c’est que certaines sont naturellement radioactives. Dans le Massif Central, constitué par le vieux socle hercynien, de nombreuses sources sont présentes dont la plus radioactive de France, appelée « La Montagne » avec une concentration en radon > 4000 Bq L− 1. Cette source aurait d’ailleurs été utilisée par Louis XIV pour ces propriétés curatives. Pour notre étude, deux sources minérales, géographiquement proches, ont été retenues (la Montagne et Mariol) et présentant des niveaux de radioactivité différents. A la Montagne, un double suivi a été effectué : à l’intérieur de l’ancien bâtiment de captage (Montagne 1) et à l’extérieur (Montagne 2). Ces deux sources sont des sites observatoires de la Zone Atelier Territoires Uranifères. Dans ces deux sources, durant neuf mois, les diatomées ont été collectées et le pourcentage de déformations a été déterminé par échantillon. En effet, le ratio surface sur volume élevé des diatomées leur confère un avantage concernant l’adsorption et l’absorption et, de ce fait, dans le suivi des radionucléides dans les écosystèmes. De plus, des mesures de physico-chimie dont les ions majeurs et de radioactivité ont été réalisées.

La composition des communautés de diatomées entre les différents mois ne présente pas de différence. D’un point de vue physico-chimique, des phénomènes de dilution à la source la Montagne ont été identifiés. L’observation la plus étonnante fut le pourcentage très élevée de déformations observées à la source la Montagne avec en moyenne 25% de formes tératologiques. La seconde source, moins radioactive, ne présente que 5% de déformations. En l'absence de métaux lourds, ce résultat souligne que la radioactivité est un stress environnemental pour les diatomées vivant dans ces écosystèmes particuliers et à un effet tératogène sur ces microorganismes. Cette conclusion a été renforcée par la sélection de sources « miroirs » c’est-à-dire comparables aux sites étudiés (d’un point de vue physico-chimique et au regard des espèces dominantes) à l'exception de leur faible niveau de radioactivité. Dans ces sources «miroirs», peu de déformations ont été observées (<10%).

Cette analyse, menée par des spécialistes pluridisciplinaires de GEOLAB (CNRS/Université Clermont Auvergne), en collaboration avec le Laboratoire de Physique de Clermont (CNRS/ Université Clermont Auvergne), le Laboratoire “Microorganismes: Génome et Environnement” (CNRS/Université Clermont Auvergne) et le Département « Environmental Research and Innovation » du Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST), permet de réaliser des travaux de recherche, , alliant écologie et physique, dans le domaine de l’influence de la radioactivité sur les microorganismes.

la source de Mariol
La source de Mariol © Aude Beauger
observations au microscope optique de valves tératologiques de l’espèce Planothidium frequentissimum.
Pourcentage de valves déformées par mois et pour chaque site étudié
: observations au microscope optique de valves tératologiques de l’espèce Planothidium frequentissimum.
Observations au microscope optique de valves tératologiques de l’espèce Planothidium frequentissimum. © Carlos Wetzel 

 

Référence

Millan F., Izere C., Breton V., Voldoire O., Biron D.G., Wetzel C.E., Miallier D., Allain E., Ector L. & Beauger A. 2019. The effect of natural radioactivity on diatom communities in mineral springs. Botany Letters, DOI:10.1080/23818107.2019.1691051.

Contact

Aude Beauger
Laboratoire de Géographie Physique et Environnementale (GEOLAB - CNRS/Univ Clermont Auvergne/Univ Limoges)
Sébastien Larrue
Communication - Laboratoire de Géographie Physique et Environnementale (GEOLAB - CNRS/Univ Clermont Auvergne/Univ Limoges)