Les citoyens aident des scientifiques à mesurer la valeur des aires protégées dans les points chauds de biodiversité

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

Les aires protégées sont aujourd’hui considérées comme l’outil le plus important pour tenter d’endiguer la perte de biodiversité actuelle, mais la pénurie de données de terrain sur nombre d’entre elles empêche la mesure de leur effet réel. Des scientifiques ont utilisé des données collectées par des milliers de citoyens et citoyennes pour montrer que les aires protégées permettent la conservation des espèces rares et menacées dans les forêts tropicales, et ce grâce à leur capacité à empêcher la déforestation et la dégradation des habitats naturels. Les résultats de ces travaux auxquels ont contribué des chercheurs du Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE – CNRS / Université de Montpellier / Université Paul Valéry Montpellier / EPHE / IRD) sont parus en septembre 2020 dans la revue Nature Communications.

Pour mesurer l’effet des aires protégées, il est nécessaire de comparer les observations réalisées dans des sites protégés avec celles réalisées dans des sites similaires mais non protégés. Les scientifiques ont concentré leur étude sur huit régions classées comme points chauds de biodiversité, c’est-à-dire des régions avec une biodiversité unique, mais dont la majorité des habitats naturels a été détruite. D’après Victor Cazalis, de l’Université de Montpellier et premier auteur de l’étude, ces régions du monde, où la biodiversité est la plus menacée, sont précisément celles pour lesquelles nous avons le plus besoin d’aires protégées efficaces. Malheureusement, les données de biodiversité permettant de mesurer cette efficacité sont très rares dans ces zones.

De nouvelles initiatives de sciences participatives commencent à combler ce fossé. L’équipe de recherche a ainsi analysé des données provenant d’eBird, la plus grande plateforme de science participative s’intéressant à la biodiversité. Hébergeant aujourd’hui plusieurs centaines de millions d’observations d’oiseaux collectées par des volontaires, allant du simple curieux à l’ornithologiste confirmé, cette base de données inclut de plus en plus d’observations dans les milieux tropicaux. Après avoir scrupuleusement filtré ces données pour sélectionner les observations les plus robustes, les scientifiques ont analysé plus de 2,6 millions d’observations de 5 400 espèces d’oiseaux, réalisées par presque 7 000 observateurs différents.

L’étude analyse les données des forêts tropicales de huit points chauds de biodiversité [Crédit : Victor Cazalis ; CC-BY-4.0]
L’étude analyse les données des forêts tropicales de huit points chauds de biodiversité. Crédit : Victor Cazalis ; CC-BY-4.0

 

Ces régions du monde, où la biodiversité est la plus menacée, sont précisément celles pour lesquelles nous avons le plus besoin d’aires protégées efficaces. Malheureusement, les données de biodiversité permettant de mesurer cette efficacité sont très rares dans ces zones.
Victor Cazalis, Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE)
2,6 millions d'observations analysées
près de 7000 observateurs

Les résultats, publiés dans la revue scientifique Nature Communications, montrent que la protection a un effet positif net sur la conservation des espèces. Les chercheurs montrent que les aires protégées sont particulièrement efficaces dans la conservation des espèces qui vivent dans un périmètre restreint, qui sont menacées d’extinction, ou qui sont spécialistes des habitats forestiers. Ce qui est une excellente nouvelle puisque ce sont les espèces pour lesquelles le besoin de protection est le plus important. L’étude montre également que les aires protégées permettent cet effet en empêchant la déforestation en leur sein ainsi qu’en réduisant la dégradation des forêts restantes.

D’après Ana Rodrigues, du CNRS et co-autrice de l’étude, les résultats confirment que les aires protégées sont un outil efficace pour enrayer les déclins de biodiversité, et qu’il est donc nécessaire de continuer à investir dans leur expansion et dans leur gestion. Ces résultats adviennent à l’heure où les gouvernements négocient les futurs objectifs internationaux de conservation de la biodiversité au titre du Cadre post-2020 pour la biodiversité, qui doit être adopté en 2021 lors de la Conférence des Parties de la Convention sur la Diversité Biologique.

Les résultats de cette étude confirment que les aires protégées sont un outil efficace pour enrayer les déclins de biodiversité. Il est donc nécessaire de continuer à investir dans leur expansion et dans leur gestion.
Ana Rodrigues, Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE)
Le calliste superbe, Tangara fastuosa. Restreinte à la Forêt Atlantique du Brésil et menacée d’extinction, cette espèce nécessite des aires protégées efficaces pour empêcher la destruction et la dégradation de ses habitats forestiers [Crédit photo : Hector Bottai; CC-BY-SA-4.0]
Le calliste superbe, Tangara fastuosa. Restreinte à la Forêt Atlantique du Brésil et menacée d’extinction, cette espèce nécessite des aires protégées efficaces pour empêcher la destruction et la dégradation de ses habitats forestiers. Crédit photo : Hector Bottai; CC-BY-SA-4.0
Bétail pâturant à l’orée d’un reste de forêt tropicale dans l’état de São Paulo au Brésil. Plus de 70% de la Forêt Atlantique d’Amérique du Sud a été détruite. Les aires protégées jouent un rôle crucial dans la conservation des habitats restants et de ses nombreuses espèces uniques [Crédit photo: Ana Rodrigues; CC-BY-4.0]
Bétail pâturant à l’orée d’un reste de forêt tropicale dans l’état de São Paulo au Brésil. Plus de 70 % de la Forêt Atlantique d’Amérique du Sud a été détruite. Les aires protégées jouent un rôle crucial dans la conservation des habitats restants et de ses nombreuses espèces uniques. Crédit photo: Ana Rodrigues; CC-BY-4.0

Ce projet a reçu un financement du programme de la recherche et de l'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne dans le cadre de la convention de subvention Marie Skłodowska-Curie n° 766417

Référence

Cazalis, V., Princé, K., Mihoub, J.-B., Kelly, J., Butchart, S.H.M. & Rodrigues, A.S.L. (2020). Effectiveness of protected areas in conserving tropical forest birds. Nature Communications. DOI: 10.1038/s41467-020-18230-0

Contact

Victor Cazalis
Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE - CNRS / université de Montpellier / Université Paul Valery de Montpellier / IRD / EPHE)
Ana Rodrigues
Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE - CNRS / université de Montpellier / Université Paul Valery de Montpellier / IRD / EPHE)
Paula Dias
Contact communication - Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE - CNRS / EPHE / IRD / Université de Montpellier)