Les coraux profonds méditerranéens sous menace du changement climatique

Résultats scientifiques

Les coraux d’eau froide édifient des récifs accueillant une riche biodiversité dans les milieux profonds. Des travaux montrent qu’un changement de température dans leur habitat modifie les communautés bactériennes associées à l’hôte, avant une altération de sa physiologie. Les résultats publiés dans la revue Proceedings of the Royal Society B : Biological Sciences, indiquent qu’en Méditerranée, la principale espèce constructrice de récif est particulièrement sensible au changement climatique.

Les coraux d’eaux froides sont des espèces emblématiques des fonds océaniques, capables de construire des récifs accueillant une riche biodiversité. L’évolution récente des technologies submersibles a permis de mieux comprendre la distribution et la biologie de ces organismes clés conduisant les autorités à prendre des mesures de protection spécifiques, notamment dans les eaux européennes. Mais les milieux profonds sont également sensibles au réchauffement climatique. Dans certaines zones, une hausse de température de 1 à 1,5°C est en effet attendue jusqu’à 1000 mètres de profondeur.

Dans les canyons sous-marins de Méditerranée, les coraux constructeurs de récifs Lophelia pertusa et Madrepoda oculata vivent déjà dans des eaux à 13°C, proche de leur limite haute de tolérance thermique connue. L’impact du réchauffement climatique dans ces milieux pourrait donc se révéler catastrophique pour la préservation des coraux et des espèces associées, d’autant plus que les coraux méditerranéens sont considérés à la base de la colonisation des populations de l’Atlantique nord.

Une étude s’est portée sur la réponse de ces espèces ingénieures face au changement de température, en proposant différents scénarios expérimentaux (-3°C, +2°C, +4°C). Les coraux étudiés ont été collectés à 500 m de profondeur, à l'aide d'un robot submersible (ROV). L’approche innovante a été de fournir une analyse de l’holobionte corallien, c’est-à-dire au travers de différentes échelles biologiques de l’organisme, allant du microbiote associé, des ressources énergétiques, du comportement alimentaire, de leur croissance squelettique, et finalement jusqu’à leur taux de survie. Les réponses ont été observées au travers d’une cinétique courte (1 semaine) à plus long-terme (jusqu’à 6 mois d’exposition).

Les résultats démontrent que pour une température proche de celle attendue pour la fin du siècle dans les eaux profondes méditerranéennes (15°C) l’espèce principale constructrice de récifs, L. pertusa, est significativement impactée. L’altération de l’état de santé débute par une modification de son microbiote, avant une baisse substantielle des réserves énergétiques malgré une modification du comportement alimentaire, ce qui engendre une diminution du taux de croissance et donc de la capacité de créer de nouveaux habitats récifaux. Madrepora oculata semble plus résistante puisqu’elle ne présente que très peu de variation physiologique. Toutefois, lorsqu’elles sont exposées à des températures extrêmes (17°C), les deux espèces perdent rapidement leur signature microbienne spécifique, avec l’apparition de bactéries opportunistes potentiellement pathogènes. Les effets physiologiques induits (arrêt du nourrissage, catabolisme des lipides) ne permettent de maintenir la survie. Les deux holobiontes coralliens sont également impactés par des températures plus froides que dans leur habitat originel (10°C, une température proche de celle observée pour les coraux de l’Atlantique Est), ce qui suggère que les espèces méditerranéennes vivent près de leur optimum thermique.

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© F. Lartaud, LECOB, OOB, Sorbonne Université

 

Laboratoires CNRS impliqués

  • Laboratoire d'Ecogéochimie des Environnements Benthiques (LECOB - CNRS / Sorbonne Université)
  • Observatoire Océanologique de Banyuls sur Mer (OOB - CNRS / Sorbonne Université)

Objectifs de Développement durable

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  • Objectif 14 : Vie aquatique

Cette étude permet de proposer les mécanismes orchestrés par la température sur l’état de santé des coraux d’eaux profondes. Les conclusions indiquent que le réchauffement global est une source d’inquiétude supplémentaire aux menaces qui pèsent déjà sur les écosystèmes coralliens d’eaux froides (pêche non durable, pollution plastique). Ceci pourrait impacter durablement la biodiversité des milieux profonds et les services écosystémiques associés, en affectant la survie et la capacité de croissance des récifs.

Référence

Chapron L, Galand PE, Pruski AM, Peru E, Vétion G, Robin S, Lartaud F. 2021 Resilience of cold-water coral holobionts to thermal stress. Proc. R. Soc. B 20212117.

Contact

Franck Lartaud
Laboratoire d'Ecogéochimie des Environnements Benthiques (LECOB - CNRS / Sorbonne Université) - Observatoire Océanologique de Banyuls sur Mer (OOB - CNRS / Sorbonne Université)
Leila Chapron
Laboratoire d'Ecogéochimie des Environnements Benthiques (LECOB - CNRS / Sorbonne Université)
Katell Guizien
Laboratoire d'Ecogéochimie des Environnements Benthiques (LECOB - CNRS / Sorbonne Université)
Valérie Domien
Observatoire Océanologique de Banyuls sur Mer (OOB - CNRS / Sorbonne Université)