Les eaux riches en diatomées, zones de pêche préférées des éléphants de mer
En combinant imagerie satellite et bio-logging1 , une équipe de chercheurs révèle, dans Communications Biology, que ce n’est pas seulement la biomasse, mais également la composition des communautés de phytoplancton, en particulier la présence de diatomées, qui influencent le comportement et le succès de pêche des éléphants de mer dans l'océan Austral.
- 1Le bio-logging consiste à fixer sur un animal un dispositif électronique qui va enregistrer dans sa mémoire des paramètres physiques et/ou bio-géochimiques en fonction du temps afin que les scientifiques puissent reconstituer l’activité de l’animal, les caractéristiques du milieu dans lequel il évolue et les interactions entre les deux.
En résumé
- Cette étude identifie six grandes familles de phytoplancton dans l’océan Austral.
- Les éléphants de mer s’alimentent plus efficacement dans des zones dominées par un certain type de phytoplancton : les diatomées.
- 60 % de leurs tentatives de captures de proies sont observées en présence de diatomées, avec des temps de séjour dans ces zones rallongées.
Les différentes familles de phytoplancton que l'on trouve dans les océans sont composées de multiples pigments chlorophylliens, lesquels modifient l’absorption ou la réflexion de la lumière du soleil. Ces variations sont détectables par satellite, via la mesure de la couleur de l’eau, permettant ainsi d’identifier depuis l’espace les assemblages de phytoplancton présents.
Grâce à l’intelligence artificielle appliquée à ces signatures bio-optiques, des chercheurs du Centre d’Études Biologiques de Chizé (CEBC), du Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences (LOG) et de l'Institut Méditerranéen d'Océanologie (MIO), ont classifié six grands types de communautés de phytoplancton dans l’océan Austral. En parallèle, ils ont équipé des éléphants de mer de balises, qui leur ont permis de cartographier leurs déplacements, et ainsi détecter plus précisément leurs tentatives de capture de proies.
Les résultats obtenus démontrent que ces grands prédateurs marins concentrent leur activité de chasse dans des eaux riches en diatomées, l’un des six grands types de phytoplancton identifiés. Bien qu’elles soient rares à l’échelle régionale, ces zones attirent à elles seules 60 % des tentatives de capture, et favorisent des séjours prolongés pouvant atteindre 42 jours, contre seulement 5 à 10 jours dans les zones abritant d'autres communautés de phytoplancton. Ces observations suggèrent que la nature du phytoplancton, et non seulement sa quantité, joue un rôle clé dans la structuration des ressources marines et dans les stratégies de recherche de nourriture.
Les scientifiques ont émis trois hypothèses, non exclusives, pour éclairer cette relation. D’abord, les diatomées forment d’importants blooms2 printaniers, suggérant qu'il pourrait s’agir d’un simple effet de biomasse. Cependant, les analyses indiquent qu’il n’est pas uniquement question de quantité.
Une seconde hypothèse concerne les effets de la densité du phytoplancton sur la lumière dans la colonne d’eau. Lors de ces blooms denses, la lumière du soleil s'avère fortement atténuée durant la journée, favorisant la remontée des proies vers la surface. Ces dernières deviennent alors plus facilement accessibles pour les éléphants de mer, qui plongent moins profondément pour les atteindre.
Enfin, l’hypothèse privilégiée par les chercheurs est que la présence de diatomées favorise l’émergence de réseaux trophiques3 à forte valeur nutritionnelle, rendant ces zones plus favorables pour ces prédateurs.

Ces travaux soulignent l’importance de surveiller les évolutions de la composition du phytoplancton en réponse au réchauffement climatique et ouvrent de nouvelles perspectives pour comprendre les effets en cascade du changement global sur les réseaux trophiques océaniques.
Crédit photo bandeau haut de page :
© Christophe GUINET / CEBC / CNRS Images
- 2Le bloom, également appelé efflorescence phytoplanctonique, est un phénomène qui voit certaines espèces de plancton végétal se multiplier à une très grande échelle. Il se produit généralement au printemps, lorsque le soleil se fait plus présent, que l’eau se réchauffe légèrement et que les pluies encore présentes amènent les nutriments des rivières.
- 3Un réseau trophique représente l'ensemble des interactions d'ordre alimentaire entre les êtres vivants d'un écosystème.
Laboratoires CNRS impliqués
- Centre d’Études Biologiques de Chizé (CEBC – CNRS)
- Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences (LOG – CNRS / Université Littoral Côte d’Opale / Université de Lille / IRD)
- Institut Méditerranéen d'Océanologie (MIO – CNRS / Aix-Marseille Université / Université de Toulon / IRD)
Référence de la publication
Dine, Z. S. E., Guinet, C., Picard, B., Thyssen, M., Duforêt-Gaurier, L., & Hourany, R. E. (2025). Influence of the phytoplankton community structure on the southern elephant seals’ foraging activity within the Southern Ocean. Communications Biology. Publié le 16 avril 2025.