Les « gènes sauteurs » s’accumulent rapidement sur les chromosomes sexuels dès qu’ils deviennent non-recombinants

Résultats scientifiques

Les « gènes sauteurs » sont des parasites moléculaires, un peu comme des virus, qui se multiplient au sein des génomes. Des mécanismes de défense permettent en général de limiter leur prolifération. Cependant, sur les chromosomes sexuels qui perdent la capacité à recombiner, la sélection devient moins efficace et ces « gènes sauteurs » se multiplient, mais nous ne savions pas jusqu’alors à quelle vitesse. Une étude publiée dans Nature Communications sur des champignons castrateurs de plantes, qui ont des chromosomes sexuels de différents âges, a révélé que ces « gènes sauteurs » s’accumulent très rapidement sur les chromosomes sexuels dès qu’ils deviennent non-recombinants, puis la quantité de ces séquences répétées se stabilise.

En résumé

  • Les génomes sont souvent remplis de séquences parasites capables de se multiplier, qu’on appelle les « gènes sauteurs ». Le génome humain par exemple en contient 40 % et le maïs 70 %.
  • Ces gènes sauteurs s’accumulent particulièrement sur les chromosomes sexuels comme le chromosome Y car son absence de recombinaison rend la sélection moins efficace.
  • L’analyse de chromosomes sexuels de champignons castrateurs de plantes, qui ont cessé de recombiner à différentes dates, a permis de comprendre la dynamique d’accumulation de ces gènes sauteurs.

Les chromosomes sexuels X et Y des mammifères ne recombinent plus depuis des dizaines de millions d’années, à tel point que le chromosome Y a perdu la plupart de ses gènes mais a accumulé de grandes quantités de séquences répétées, des « gènes sauteurs » qui sont capables de se multiplier dans les génomes par « copier-coller ». L’absence de recombinaison sur le chromosome Y empêche de purger efficacement ces éléments parasites qui peuvent se coller au milieu des gènes et les rendre non-fonctionnels. Des études très récentes viennent de parvenir à reconstituer les séquences des chromosomes Y chez l’être humain. L’âge assez élevé des chromosomes sexuels des mammifères, et en particulier des humains, empêche cependant d’étudier à quelle vitesse ces « gènes sauteurs » s’accumulent.

Cette étude a permis de comprendre la dynamique d’accumulation de ces éléments parasites sur les chromosomes sexuels en utilisant des chromosomes sexuels de champignons, qui sont relativement jeunes, plus petits et de différents âges entre espèces proches. Des séquençages de génomes utilisant les dernières technologies en longues lectures ont ainsi permis de reconstituer ces chromosomes sexuels et leurs contenus en éléments parasites. Cette étude révèle que les « gènes sauteurs » s’accumulent très rapidement sur les chromosomes sexuels dès qu’ils deviennent non-recombinants. La quantité de ces séquences répétées se stabilise ensuite après 1,5 millions d’années autour de 50 % de l’information génétique dans les régions qui ne recombinent plus. L’étude révèle également que certaines familles de ces gènes sauteurs se multiplient préférentiellement, de façon répétable, par des événements ponctuels de prolifération intense, sur les chromosomes sexuels après la suppression de recombinaison. Ces résultats contribuent à la compréhension de l’évolution des génomes et à leur invasion par des parasites moléculaires sur les chromosomes sexuels.  Ces résultats permettent de comprendre comment et pourquoi les chromosomes sexuels dégénèrent, ce qui peut avoir des implications par exemple pour les maladies génétiques portées par les chromosomes sexuels. Il reste maintenant à comprendre à quelle vitesse les gènes sont perdus sur les chromosomes sexuels non recombinants comme le chromosome Y, et les champignons devraient permettre d’y répondre. Les champignons permettent également plus généralement de comprendre pourquoi les chromosomes sexuels cessent de recombiner (cf vidéo ci-dessous pour en savoir plus).

Vitesse d’accumulation gènes sauteurs sur les chromosomes sexuels des champignons Microbotryum castrateurs de plantes
Figure 1 : Vitesse d’accumulation gènes sauteurs sur les chromosomes sexuels des champignons Microbotryum castrateurs de plantes (© Marine Duhamel)

 

Référence

Duhamel, M., Hood, M. E., De La Vega, R. C. R., & Giraud, T. Dynamics of transposable element accumulation in the non-recombining regions of mating-type chromosomes in anther-smut fungi. Nature Communications, publié le 14/09/2023.

Laboratoire impliqué

  • Écologie, Systématique et Évolution (ESE - CNRS/AgroParisTech/Univ. Paris-Saclay)

Contact

Tatiana Giraud
Chercheuse en biologie évolutive
Béatrice Albert
Communication - Laboratoire d’Ecologie, Systématique et Evolution (ESE - CNRS, Université Paris-Sud/Paris-Saclay, AgroParisTech)