Les oiseaux font un pied de nez au diabète et dévoilent un peu de leur secret

Résultats scientifiques Ecologie de la santé

Environ 500 millions d’humains souffrent du diabète, maladie métabolique traduisant un dérèglement du contrôle de la glycémie avec des conséquences néfastes sur la santé. Et pourtant, l’évolution a produit des “super-organismes” qui présentent une glycémie de diabétique et une longue espérance de vie. Parmi ceux-ci, un petit passereau originaire d’Australie dont des scientifiques ont analysé l’hémoglobine pour découvrir une surprenante résistance au glucose et un inattendu mélange structural de trois isoformes. Les résultats ont été publiés dans Experimental Gerontology.

Pour assurer un fonctionnement optimum, les organismes vivants tentent de maintenir en toutes occasions un niveau stable de nombreux paramètres biologiques, parmi lesquels le taux de glucose sanguin qui est une source d’énergie clef pour les cellules. Pas assez de glucose et le risque est grand pour l’organisme de subir des dommages immédiats graves, trop de glucose et les effets à long terme pour la santé peuvent conduire à une réduction de la longévité1 . Une forte glycémie chronique entraîne des réactions chimiques entre le glucose et les protéines, appelées glycations, qui accélèrent le vieillissement des cellules. En écologie, plusieurs études ont également montré que les taux de glucose pouvaient expliquer des différences de longévité entre espèces2 . Comprendre plus en détails les mécanismes qui expliquent les variations de glucose sanguin et comment elles peuvent être associées à des longévités différentes est une question qui intéresse l’écologie tout autant que la santé. L’exploration de la biodiversité, et en particulier des oiseaux, a révélé des situations paradoxales et illustre comment l’évolution a su répondre aux défis posés par l’intrication des challenges environnementaux et des contraintes physiologiques du fonctionnement des organismes.

Les oiseaux présentent en effet une glycémie parmi les plus élevées du règne animal, bien au-delà des valeurs de l’homme diabétique. Et pourtant, leur longévité est 2 à 3 fois supérieure à celle des mammifères de taille semblable3 . Ce paradoxe a alimenté bien des études en biologie évolutive du vieillissement et découvrir le mécanisme qui leur permet de résister aux effets néfastes du glucose tout au long de leur vie est ainsi d’une grande importance sur le plan fondamental (évolution) et porteuse de potentielles nouvelles approches thérapeutiques.

L’Institut Plurisdisciplinaire Hubert Curien (IPHC - CNRS / Université de Strasbourg) associe le travail de biologistes et de chimistes pour développer une approche novatrice en biologie évolutive, basée sur l’analyse en protéomique (analyse de la composition et de la structure des protéines, ici sanguines) d’un petit passereau maintenu en captivité au sein du laboratoire, le diamant mandarin (Taeniopigya guttata). En s’intéressant à l’hémoglobine, une des cibles protéiques privilégiée des réactions de glycation,  ils ont déterminé le profil moléculaire d’individus d’âge connu et procédé à une exposition in vitro de l’hémoglobine à une présence de glucose dans le milieu. Les résultats confirment que le diamant mandarin présente une glycémie élevée, mais une proportion d’hémoglobine glyquée indétectable au spectromètre de masse (Fig 1, panneau du milieu). De plus, son hémoglobine se révèle particulièrement résistante à l’expérience de glycation forcée in vitro4 , alors que l’hémoglobine humaine réagit fortement à la présence de glucose (Fig 1, panneau de gauche). Finalement, une analyse de la structure de ces deux hémoglobines dévoile que si la forme humaine a une structure en quatre chaînes associées (tétramère), celle du mandarin est un mélange de 3 formes tétramériques associant des chaînes étonnamment plus variées (Fig 1, panneau de droite).

Ces résultats pourraient suggérer un lien entre structure et résistance aux glycations des chaînes protéiques de l’hémoglobine du mandarin. Ils suggèrent également que l’hémoglobine d’oiseaux a évolué de manière divergente par rapport à celle des mammifères, ouvrant une nouvelle voie d’étude pour mieux comprendre comment ces organismes si particuliers atteignent des longévités remarquables en dépit d’une situation physiologique qui serait pathologique chez l’Homme.

schema

  • 1López-Otín, C., Blasco, M. A., Partridge, L., Serrano, M., & Kroemer, G. (2013). The Hallmarks of Aging. Cell, 153(6), 1194-1217. doi:10.1016/j.cell.2013.05.039
  • 2Palliyaguru, D. L., Shiroma, E. J., Nam, J. K., Duregon, E., Vieira Ligo Teixeira, C., Price, N. L., . . . de Cabo, R. (2021). Fasting blood glucose as a predictor of mortality: Lost in translation. Cell Metabolism, 33(11), 2189-2200.e2183. doi:10.1016/j.cmet.2021.08.013
  • 3Holmes, D. J., Flückiger, R., & Austad, S. N. (2001). Comparative biology of aging in birds: an update. Experimental Gerontology, 36, 869-883.
  • 4Des échantillons d’hémoglobine exposés dans des conditions expérimentales à une concentration de glucose pendant un temps déterminé

Laboratoire CNRS impliqué

Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC – CNRS / Université de Strasbourg)

Objectifs de Développement durable

pictODD

  • Objectif 3 : Bonne santé et bien-être

Référence

Brun, C., Hernandez-Alba, O., Hovasse, A., Criscuolo, F., Schaeffer-Reiss, C., & Bertile, F. (2022). Resistance to glycation in the zebra finch: Mass spectrometry-based analysis and its perspectives for evolutionary studies of aging. Experimental Gerontology, 111811.

Contact

François Criscuolo
Institut Pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC-CNRS/Univ Strasbourg)
Fabrice Bertile
Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC – CNRS / Université de Strasbourg)
Nicolas Busser
Correspondant communication - Institut Pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC-CNRS/Univ Strasbourg)