Les premiers humains en Afrique australe

Résultats scientifiques

Les origines et la diversité biogéographique des premiers représentants du genre Homo restent un sujet majeur en paléoanthropologie. Une étude dirigée par Clément Zanolli, chercheur CNRS au Laboratoire PACEA, publiée dans la revue PNAS montre que, sur 23 spécimens auparavant considérés parmi les premiers humains ayant vécu entre 2,5 et 1,4 millions d’années en Afrique du Sud, au maximum sept d’entre eux appartiennent en effet au genre Homo, ce qui a des implications sur notre compréhension de l’évolution humaine.

L’identification des premiers représentants du genre Homo est essentielle pour comprendre où, quand et comment notre genre a émergé et s’est différencié sur le continent africain. Cependant, il n’y a pas une définition consensuelle caractérisant les toutes premières formes de ce genre, ce qui conduit à de débats animés quant à sa reconnaissance dans le registre fossile, souvent très fragmentaire. En Afrique australe, des restes des premiers humains ont été identifiés dans plusieurs sites fossilifères (Sterkfontein, Swartkrans, Kromdraai, Drimolen) dans des niveaux sédimentaires datés entre 2,5 et 1,4 millions d’années (Ma), environ. Toutefois, en fonction des caractéristiques considérées, certains de ces fossiles ont été classés comme plus probablement appartenant aux genres Australopithecus et/ou Paranthropus. Ces incertitudes taxinomiques rendent floues l’étendue de la paléodiversité du ‘rameau humain’ (les hominines), ainsi que des relations évolutives entre Homo, Australopithecus et Paranthropus, et empêchent donc de trouver un consensus autour de l’épineuse question de l’émergence du genre Homo.

Une étude publiée dans PNAS, menée dans le cadre d’une collaboration internationale, a permis la révision de la majorité du matériel fossile sud-africain de la première moitié du Pléistocène inférieur couramment attribué au genre Homo. Ce travail se focalise sur l’analyse par morphométrie géométrique de la jonction émail-dentine, une structure interne de la dent préservant des informations très fiables pour discriminer les taxons jusqu’au niveau de l’espèce, voire de la sous-espèce. Les résultats démontrent que sur les 23 spécimens fossiles jusqu’ici considérés comme très probablement humains, seuls quatre ont une probabilité statistique forte de représenter effectivement le genre Homo, alors que trois autres préservent des caractéristiques primitives tout en montrant aussi des spécificités humaines. Cependant, tous les autres spécimens représentent plus vraisemblablement Australopithecus ou Paranthropus.

En plus de l’étude fine de la morphologie dentaire interne, des analyses géochimiques de l’émail et de la dentine de certaines fossiles ici réévalués comme plus probablement non-humains montrent bien un signal comparable à celui des australopithèques. En particulier, le spécimens SKX 268, rapproché maintenant du genre Australopithecus par les analyses morphométriques, montre aussi un signal géochimique correspondant à la durée de l’allaitement justement estimée pour ce taxon, qui diffère du modèle humain.

Ces résultats montrent bien à quel point il est difficile, mais crucial pour notre compréhension des trajectoires évolutives des hominines, d’identifier avec un degré de fiabilité le plus élevé possible l’identité taxinomique (genre ou espèce) d’un fossile. En effet, au-delà des considérations de nomenclature formelle, l’attribution d’un spécimen à un des premiers membres du genre Homo, alors qu’il représente un australopithèque, ou vice-versa, a des implications importantes sur l’ensemble des interprétations paléobiologiques, notamment la variabilité intra- et inter-taxique, le régime alimentaire, les interactions écologiques, les adaptations morphologiques.

Figure 1
La jonction émail-dentine de la seconde molaire supérieure du spécimen fossile SK 27 comparée à celles de Homo, Australopithecus et Paranthropus (© C. Zanolli et Ditsong National Museum of Natural History).
Figure 2
La mandibule SK 15, auparavant attribuée à Homo ergaster, représente plus vraisemblablement une espèce australopithèque (© C. Zanolli et Ditsong National Museum of Natural History)

 

Laboratoires CNRS impliqués

  • De la Préhistoire à l'Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie (PACEA - CNRS / Ministère de la Culture / Université de Bordeaux)
  • Travaux et Recherches archéologiques sur les cultures, les espaces et les sociétés (TRACES - CNRS / Ministère de la Culture / Université Toulouse Jean-Jaurès)

Référence

Zanolli C., Davies T.W., Joannes-Boyaud R., Beaudet A., Bruxelles L., de Beer F., Hoffman J., Hublin J.J., Jakata K., Kgasi L., Kullmer O., Macchiarelli R., Pan L., Schrenk F., Santos F., Stratford D., Tawane M., Thackeray F., Xing S., Zipfel B. & Skinner M.M. (2022) Novel dental data challenge the ubiquitous presence of Homo in the Cradle of Humankind. Proceedings of the National Academy of Sciences USA.

Contact

Clément Zanolli
UMR5199 De la Préhistoire à l'Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie (PACEA - CNRS/Univ Bordeaux/MC/EPHE/INRAP
Anne-Cécile Baudry-Jouvin
Correspondante communication - De la préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie (PACEA - CNRS/Univ. de Bordeaux/Ministère de la Culture)