Les souris rayées ont un cerveau plus petit pendant la saison sèche estivale

Résultats scientifiques

Que faire quand il fait chaud et que la nourriture se fait rare ? La souris rayée du Namaqualand en Afrique du Sud a une réponse adaptative unique face à une telle situation : elle réduit la taille de son cerveau ! Cette étude, parue dans Mammalian Biology et réalisée par la Succulent Karoo Research Station, l'Université du Witwatersrand, l'Université Sorbonne Paris Nord, l’Université de Strasbourg et le CNRS est la première à mettre en évidence le phénomène Dehnel chez un rongeur, dans un climat subtropical et dans l'hémisphère Sud.

En résumé

  •  Les souris rayées ont un cerveau 10 % plus petit pendant la saison sèche restreinte en nourriture, c'est ce qu'on appelle l'effet Dehnel.
  • Cela les aide à réduire la dépense énergétique globale en cas de stress.
  • Il s'agit de la première étude montrant l'effet Dehnel chez un rongeur, en saison sèche estivale et dans l'hémisphère Sud.

La capacité à modifier la masse des organes utilisant beaucoup d'énergie en réponse aux variations saisonnières de la disponibilité alimentaire a été démontrée chez plusieurs espèces vivant sous des climats tempérés, mais dans une moindre mesure dans d'autres zones climatiques. L’effet Dehnel en est un exemple extrême. Observé pour la première fois chez la musaraigne européenne (Sorex araneus), il correspond à une réduction de la masse corporelle et cérébrale globale pendant l'hiver, qui peut être interprétée comme une stratégie adaptative visant à réduire la demande énergétique lorsque la disponibilité alimentaire est limitée. Comme le tissu nerveux est coûteux en énergie, réduire la taille du cerveau lorsque la nourriture devient rare peut constituer une stratégie hautement efficace pour survivre. Jusqu’à présent, l’effet Dehnel n’avait été signalé que chez les musaraignes et les mustélidés d’Europe, dont le cerveau est plus petit en hiver. Mais de nombreux autres habitats connaissent des saisons de restrictions alimentaires, par exemple les saisons sèches dans les semi-déserts subtropicaux.

Les souris rayées africaines (Rhabdomys pumilio) habitant le semi-désert subtropical du Succulent Karoo en Afrique du Sud sont confrontées à des saisons longues, chaudes et sèches et à des saisons humides courtes et fluctuantes. Compte tenu de son omniprésence, de sa visibilité et de sa propension à vivre en groupe, la souris rayée a longtemps été utilisée comme organisme modèle pour les études de réponses comportementales et physiologiques dans les conditions environnementales fluctuantes, en particulier celles associées à la saison sèche annuelle et à la sécheresse. Dans le Succulent Karoo, les souris rayées se reproduisent au printemps austral (d’août à novembre), lorsque la nourriture est abondante après les pluies d’hiver. Elles doivent ensuite survivre à la saison sèche estivale qui suit (décembre à avril), caractérisée par une très faible disponibilité alimentaire, pour se reproduire au printemps suivant.

Nous avons constaté des différences saisonnières significatives dans les masses relatives de la plupart des organes des souris rayées, en association avec les changements de disponibilité alimentaire. La plupart des organes étaient plus petits pendant la saison sèche, probablement afin de réduire la dépense énergétique. Ces différences saisonnières entre organes étaient significatives lorsque l’on prend en compte les variations individuelles de la masse corporelle et de la taille corporelle. Les reins et l'intestin grêle étaient plus lourds pendant la saison humide que pendant la saison sèche chez les deux sexes. La masse hépatique était plus importantes chez les femelles (mais plus petites chez les mâles) pendant la saison des pluies, probablement en raison de l'augmentation de l'investissement reproductif des femelles au cours de cette saison. Le changement morphologique le plus intéressant était observé au niveau du cerveau qui était nettement plus léger pendant la saison sèche avec une faible abondance de nourriture.

Le cerveau des mâles et des femelles était environ 10 % moins lourd pendant la saison sèche que pendant la saison humide. Les différences saisonnières dans la masse cérébrale des souris rayées sont cohérentes avec le phénomène Dehnel, qui décrit comment le stress alimentaire et hydrique est associé à un investissement réduit dans le tissu nerveux, ce qui entraîne une réduction de la taille du cerveau. Les mécanismes derrière ce rétrécissement sont mal connus et nécessiteraient des recherches supplémentaires pour être élucidés. On suppose que cette réduction de la taille du cerveau est réversible, même si cela reste à démontrer chez les souris rayées. Pour cela, il faudrait mesurer la taille du cerveau des individus vivants avant, pendant et après la saison sèche. Bien qu'il ait été démontré que le phénomène Dehnel se produit dans l'hémisphère nord chez les musaraignes et les mustélidés, il s'agit de la première étude indiquant sa présence chez un rongeur, dans un climat subtropical et dans l'hémisphère Sud.

schema effet Dehnel
Figure 1 : Avoir un cerveau plus petit pendant la saison sèche de l’été est une tactique pour économiser de l’énergie lorsque la nourriture se fait rare. Ici chez la souris rayée africaine (Rhabdomys pumilio). © Carsten Schradin
photo souris rayées
Figure 2 : Vivre en groupe permet à la souris rayée africaine (Rhabdomys pumilio) d'économiser de l'énergie pendant les étés chauds et rigoureux lorsque la quantité de nourriture disponible est faible. © Carsten Schradin

 

Référence

Mulvey, J., Pillay, N., Makuya, L., Rödel, H. G., & Schradin, C. African striped mice have relatively smaller brains in the food deprived dry season than in the wet season. Mammalian Biology, publié le 01/11/23.

Laboratoire CNRS impliqué

Institut Pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC - CNRS/Univ. Strasbourg)

Objectif de développement durable

ODD

Objectif 13 : Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions

Contact

Carsten Schradin
Institut Pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC-CNRS/Univ Strasbourg)
Nicolas Busser
Correspondant communication - Institut Pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC-CNRS/Univ Strasbourg)