Les super-prédateurs règnent par la peur dans les océans

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

Les animaux sauvages se déplacent en fonction du climat et des ressources, mais aussi pour éviter leurs prédateurs. Une nouvelle étude montre comment ce « paysage de la peur » façonne les écosystèmes marins, avec des conséquences pour leur conservation via la mise en place d’aires marines protégées. Ces recherches publiées dans Communications Biology sont le fruit d’une collaboration à long terme entre sept laboratoires de recherche français et sud-africains.

Au large de l’Afrique australe, le Benguela est une des régions marines les plus productives de toute la planète, et un point chaud de biodiversité. Dans cette zone côtière, otaries à fourrure et fous du Cap se disputent des ressources marines limitées par les changements climatiques et la surpêche. La compétition est d’autant plus ardue pour les fous que les otaries ne ratent pas une occasion de les croquer, en plus des poissons que les deux espèces consomment. Les otaries instaurent ainsi un paysage de la peur, auquel les fous réagissent en les évitant, autant que possible. Ceci est particulièrement difficile la nuit lorsque les fous tentent de dormir à la surface de l’eau, alors que les otaries demeurent très actives.

Les suivis par balises électroniques des mouvements des deux espèces (222 individus entre 2003 et 2015) montrent que la plupart des fous s’échappent vers le large la nuit, afin d’éviter les otaries plus côtières. Cette migration nocturne permet aux fous de diminuer le risque de rencontrer les otaries de 25 %. Ces résultats inattendus ont de fortes implications pour la mise en place d’aires marines protégées. Celles-ci sont essentielles à la conservation d’oiseaux marins vulnérables tels que les fous du Cap, dont les populations sont en fort déclin, mais elles ne prennent pas en compte les paysages de la peur exercés par d’autres prédateurs, comme les otaries. Les otaries sont elles-mêmes à la merci des grands requins blancs, qui sont chassés par les orques, et c’est ainsi toute une hiérarchie de la peur qui façonne un écosystème marin. Cette étude identifie pour la première fois un « paysage de la peur » à une échelle régionale en milieu marin.

otarie
Otarie à fourrure se nourrissant d'un poisson - Crédit : Peter G. Ryan
fou du cap
Fou du Cap à la surface de l'eau - Crédit : Peter G. Ryan
fou du cap
Fou du Cap ayant échappé à une attaque d'otarie - Crédit : David Grémillet

 

Laboratoires CNRS impliqués

  • Centre d'études biologiques de Chizé (CEBC - CNRS / La Rochelle Université)
  • Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE - CNRS / EPHE / IRD / Université de Montpellier)
  • Laboratoire d'Écologie Alpine (LECA - CNRS / Université Grenoble Alpes / Université Savoie Mont Blanc)
  • Biologie des organismes et écosystèmes aquatiques (BOREA - CNRS / IRD / MNHN / Sorbonne Université)

Objectifs de développement durable

pictODD

  • Objectif 13 : Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques
  • Objectif 14 : Vie aquatique

Cette étude débouche sur une meilleure connaissance du fonctionnement des écosystèmes marins. Ceci permettra une meilleure gestion environnementale et économique du Benguela, une région marine essentielle pour la biodiversité marine et les processus climatiques planétaires.

Référence

Seascapes of fear and competition shape regional seabird movement ecology. Nicolas Courbin, Lorien Pichegru, Mduduzi Seakamela, Azwianewi Makhado, Michael Meÿer, Pieter G. H. Kotze, Steven A. Mc Cue, Clara Péron & David Grémillet. Communications Biology

Contact

Nicolas Courbin
Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE - CNRS / EPHE / IRD / Univ. Montpellier)
David Grémillet
Centre d'études biologiques de Chizé (CEBC - CNRS/Univ. La Rochelle)
Paula Dias
Contact communication - Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE - CNRS / EPHE / IRD / Université de Montpellier)
Cécile Ribout
Correspondante communication - Centre d'études biologiques de Chizé (CEBC - CNRS/La Rochelle Université)