Les vieux arbres sont plus résistants mais moins résilients à la sécheresse

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

Chaque épisode de sécheresse affaiblit et ralentit la croissance des arbres de nos forêts. Mais est-ce que cette sensibilité des arbres à la sécheresse évolue avec l’âge ? Autrement dit, est-ce que les vieux arbres sont plus sensibles que leurs jeunes congénères ? Une équipe de recherche internationale, comprenant un chercheur du CNRS, vient de répondre à cette question dans la revue Nature Climate Change en analysant les cernes de croissance de 21,964 arbres adultes, couvrant 119 espèces sur 1430 sites distribués sur cinq continents. Les résultats de cette analyse montrent une baisse de la croissance radiale plus forte, l’année de la sécheresse, chez les jeunes arbres adultes que chez leurs aînés qui sont plus résistants. Néanmoins la reprise de la croissance radiale, dans les années qui suivent une sécheresse, est plus rapide chez les jeunes arbres adultes qui sont donc plus résilients.

On le sait, le changement climatique implique non seulement une augmentation de la température moyenne annuelle mais aussi et surtout une augmentation des épisodes climatiques extrêmes, comme dernièrement avec la sécheresse de 2022 qui a touché une grande partie de l’Europe. L’ampleur et la répétition des épisodes de sécheresses affaiblissent les arbres qui se mettent en pause lorsque l’eau vient à manquer dans les sols, ce qui entraîne un arrêt de la photosynthèse et une baisse soudaine de la croissance annuelle directement lisible dans les cernes du bois. La capacité d’un individu à limiter cette baisse de croissance l’année de la sécheresse (résistance) et à revenir à un niveau de croissance équivalent ou supérieur à celui d’avant la sécheresse (résilience) dépend de plusieurs paramètres comme la taille du plant dans les premières années d’installation qui sont souvent décisives. Mais quand est-il de l’effet de l’âge des arbres une fois la taille adulte atteinte ?

Pour répondre à cette question, les scientifiques ont remonté le temps à travers l’analyse des cernes de croissance de 21 964 arbres adultes. La première étape de cette analyse dite « dendrochronologique » a consisté à calculer l’âge de chaque individu prélevé en comptant ses cernes de croissance. En effet, la taille d’un arbre, mesurée par la hauteur ou le diamètre du tronc, est un très mauvais indicateur de l’âge car certains individus de grandes tailles, ayant poussé dans des conditions peu stressantes, peuvent être beaucoup plus jeunes que des individus de la même espèce qui ont poussé dans des conditions extrêmes, à haute altitude par exemple (cf. nanisme). Cependant, l’âge est une information très relative car un chêne est beaucoup plus longévif qu’un charme qui ne dépassera que très rarement les 100 ans, contre plusieurs siècles, voire au-delà du millénaire, pour le chêne pédonculé. Ainsi, l’équipe de scientifiques a classé chaque individu adulte comme relativement « jeune » ou « vieux » par rapport à la longévité de chaque espèce. En reliant les années de sécheresse connues pour un site donné aux cernes de croissance d’un individu ayant grandi sur ce site, il est possible de calculer des indices mesurant la résistance ainsi que la résilience d’un individu à la sécheresse. En comparant ces indices entre les groupes d’individus d’âges différents, les résultats montrent que la croissance radiale pendant les épisodes de sécheresses peut être réduite de plus de 25 à 30 % par rapport à la période antérieure pour les jeunes arbres adultes contre une réduction de 15 à 20 % pour les plus vieux individus de la même espèce, qui sont donc plus résistants. A l’inverse, dans les quatre années qui suivent un épisode de sécheresse, les plus jeunes individus adultes retrouvent plus rapidement une croissance radiale équivalente, voire près de 10 % supérieure, à la croissance radiale d’avant sécheresse.

Étant donnée la tendance à la déforestation massive dans certaines régions du globe, contrebalancée par des efforts de reforestation dans d’autres régions, l’âge médian des arbres à l’échelle globale diminue. Cela signifie une baisse de la résistance de nos forêts vis-à-vis des sécheresses à venir et donc une baisse, au moins à court terme, de la capacité de stockage de carbone de nos forêts par rapport au niveau antérieur lorsque l’âge médian des forêts à l’échelle globale était plus élevé et que les épisodes climatiques extrêmes étaient moins fréquents. Ce déséquilibre dans la distribution des âges, au profit des jeunes arbres adultes, accentue donc la dette carbone durant les années de sécheresse. Par conséquent, les résultats de l’étude plaident pour la conservation des plus vieux arbres qui sont plus à même d’éponger la dette carbone pendant les années de sécheresse.

Impact de la sécheresse de 2022 sur les peuplements de chênes pubescents de la Reculée d’Autoire (Lot, 46). Photo prise par Jonathan Lenoir
Impact de la sécheresse de 2022 sur les peuplements de chênes pubescents de la Reculée d’Autoire (Lot, 46). Photo prise par Jonathan Lenoir

Laboratoire CNRS impliqué

  • Ecologie et dynamique des systèmes anthropisés (EDYSAN - CNRS/Université de Picardie Jules Verne)

Objectifs de développement durable

pictODD

  • Objectif 3 : Bonne santé et bien-être
  • Objectif 13 : Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques
  • Objectif 15 : Vie terrestre

Ce travail contribue à l'amélioration des connaissances sur les changements de biodiversité et de productivité primaire en réponse aux changements du climat.

Référence

Younger trees in the upper canopy are more sensitive but also more resilient to drought. Au T.F., Maxwell J.T., Robeson S.M., Li J., Siani S.M.O., Novick K., Dannenberg M.P., Phillips R., Li T., Chen Z., & Lenoir J. Nature Climate Change, le 1er décembre 2022. DOI: 10.1038/s41558-022-01528-w

Contact

Jonathan Lenoir
Écologie et dynamique des systèmes anthropisés (EDYSAN - CNRS/Univ. Picardie Jules Verne)