Le ginko (Ginko biloba), le gorille de l’Ouest (Gorilla gorilla), le Gavial du Gange (Gavialis gangeticus), l’esturgeon européen (Acipenser sturio) et le Condor des Andes (Vulturus gryphus)Crédit photo : CC-BY-SA

L’extinction des espèces en danger entrainera une réorganisation globale du rôle des autres espèces

Résultats scientifiques

Les plantes et les animaux présentent une large gamme de caractéristiques fonctionnelles et morphologiques, incluant de larges variations en taille, poids, capacités de reproduction, de locomotion ou de ressources alimentaires. Dans le contexte actuel de déclin global de la biodiversité, il est primordial de déterminer dans quelle mesure l’extinction des espèces en danger modifiera les caractéristiques fonctionnelles des plantes comme des animaux. Dans une étude publiée dans la revue Science Advances le 26 mars 2021, un consortium international de chercheurs, impliquant notamment des scientifiques du laboratoire Évolution et Diversité Biologique (EDB–CNRS/Université Toulouse III Paul Sabatier/IRD), montre que l’extinction des espèces considérées « en danger » par l’Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN) modifierait significativement la gamme des fonctions assurées par les plantes, les mammifères, les oiseaux, les amphibiens, les reptiles et les poissons d’eau douce à l’échelle du globe. Ces modifications dues majoritairement à l’extinction de grandes espèces à durée de vie longue et à faible fécondité pourraient altérer le rôle que jouent ces organismes dans le fonctionnement des écosystèmes. 

De par ses caractéristiques morphologiques et fonctionnelles, chaque espèce végétale ou animale, occupe une gamme précise de fonctions partagées ou non entre différentes espèces. Ainsi, la gamme des fonctions assurées par un groupe taxonomique tel que les plantes, les mammifères ou les poissons d’eau douce peut se révéler redondante entre de nombreuses espèces ou uniquement supportée par quelques espèces. Si ces fonctions sont très redondantes, il est peu probable que l’extinction d’une partie des espèces affecte fortement les fonctions de l’ensemble du groupe. Au contraire si certaines fonctions sont assurées par peu d’espèces, leur disparition entrainera une réduction de la gamme des fonctions assurées par l’ensemble du groupe.

Cette étude concernant plus de 75 000 espèces de plantes, de mammifères, d’oiseaux, d’amphibiens, de reptiles et de poissons d’eau douce a mis en évidence que pour tous ces groupes, plus de la moitié des espèces occupent moins de 20% des fonctions assurées par le groupe, impliquant donc que 80 % des fonctions restantes sont assurées par peu d’espèces, peu redondantes fonctionnellement.

En couplant ces résultats aux listes d’espèces en danger établies par l’IUCN, les scientifiques, dont certains sont issus du laboratoire Évolution et Diversité Biologique (EDB–CNRS/Université Toulouse III Paul Sabatier/IRD), démontrent que les espèces en danger sont pour une large part fonctionnellement uniques. Leur extinction provoquerait donc une réorganisation globale de la gamme des fonctions assurées par l’ensemble de ces groupes.

Au cours du prochain siècle, si les extinctions s’avèrent conformes aux prédictions de l’IUCN, le déclin fonctionnel serait compris entre 0.3 % (pour les reptiles) et 5,1 % (pour les poissons d’eau douce). Bien que celui-ci reste limité, il s’accompagnerait d’une augmentation importante (de 17 à 23 % selon les groupes) de la gamme des fonctions soutenues par une seule espèce. Ces résultats, publiés dans la revue Science Advances, laissent donc présager un accroissement marqué du déclin fonctionnel si les extinctions s’avèrent plus rapides que prévu, ce qui semble probable étant donné l’accélération actuelle des changements globaux sur l’ensemble du globe.

Le ginko (Ginko biloba), le gorille de l’Ouest (Gorilla gorilla), le Gavial du Gange (Gavialis gangeticus), l’esturgeon européen (Acipenser sturio) et le Condor des Andes (Vulturus gryphus), sont classés comme espèces en danger d’extinction par l’UICN. Ces espèces présentent des traits fonctionnels particuliers tels qu’une grande taille, une durée de vie longue et une maturité sexuelle tardive (Photos CC-BY-SA).
Le ginko (Ginko biloba), le gorille de l’Ouest (Gorilla gorilla), le Gavial du Gange (Gavialis gangeticus), l’esturgeon européen (Acipenser sturio) et le Condor des Andes (Vulturus gryphus), sont classés comme espèces en danger d’extinction par l’UICN. Ces espèces présentent des traits fonctionnels particuliers tels qu’une grande taille, une durée de vie longue et une maturité sexuelle tardive. 
 © CC-BY-SA

 

Les objectifs de développement durable

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  • ODD 15 : Vie terrestre

Ces travaux de recherche contribuent à quantifier les pertes de diversité fonctionnelle attendues à l’échelle du globe sous l'effet des extinctions d’espèces, et se situent donc au cœur des enjeux mondiaux de préservation de la biodiversité ainsi qu'au maintien des services qu'elle procure aux sociétés humaines.

Références

Erosion of global functional diversity across the tree of life”, Carmona C.P, Tamme R., Partel M., de Bello F., Brosse S., Capdevila P., Gonzalez-M. R., Gonzalez-Suarez M., Salguero-Gomez R., Vasquez-Valderrama M., Toussaint A. Science Advances 2021.

Contact

Sébastien Brosse
Évolution et Diversité Biologique (EDB–CNRS/Université Toulouse III Paul Sabatier/IRD)
Auréle Toussaint
Institute of Ecology and Earth Sciences, University of Tartu, Tartu, Estonie
Carlos Carmona
Institute of Ecology and Earth Sciences, University of Tartu, Tartu, Estonie
Frédéric Magné
Contact communication - Laboratoire Évolution et Diversité Biologique (EDB – CNRS/Univ. Toulouse III Paul Sabatier/IRD)