L'urbanisation entraîne un printemps précoce pour les plantes mais pas pour leurs pollinisateurs

Résultats scientifiques Interaction Homme-Milieux

Les effets de l’urbanisation sont multiples sur la biodiversité, pouvant parfois générer de véritables menaces pour la survie des espèces. Une meilleure compréhension de cet écosystème et un travail sur la gestion des espaces verts sont indispensables pour assurer un équilibre écologique.  Une équipe scientifique a estimé pour la première fois l'effet de l'urbanisation conjointement sur la phénologie des plantes à fleurs et de leurs communautés de pollinisateurs. Dans les zones plus fortement urbanisées, les plantes fleurissent plus tôt alors que les pollinisateurs ne décalent pas leurs dates d’activité, conduisant à une perturbation potentielle de leurs interactions. Ces résultats ont été publiés dans Oikos (août 2020), et ont fait l'objet d'une dépêche dans Frontiers in the Ecology and the Environment (septembre 2020). L'étude a été réalisée au sein du laboratoire Evolution, Ecologie et Paléontologie (EVO-ECO-PALEO – CNRS / Université de Lille) en collaboration avec la Métropole européenne de Lille (MEL) et la ville de Lille dans le cadre du projet CPER-Climibio.

L'urbanisation est l'une des principales menaces pour les plantes et les pollinisateurs sauvages en raison, entre autres, de la destruction des habitats, de l’effet « îlot de chaleur urbain » et de l'altération des conditions environnementales locales. L’adéquation des phénologies d’espèces en interaction, soit le « calendrier » des cycles de ces espèces, telles que les dates de floraison pour les plantes ou d’activité pour les pollinisateurs, est cruciale pour permettre leur interaction. Des études antérieures ont montré que la phénologie des plantes tend à avancer au printemps dans les zones urbaines par rapport aux zones plus rurales, mais les effets de l'urbanisation sur la phénologie des pollinisateurs sont mal connus.

Pour comprendre comment l'urbanisation affecte les deux partenaires de cet important mutualisme, des chercheuses et chercheurs ont simultanément évalué la réponse du moment de floraison des plantes locales et de la période de vol des pollinisateurs sauvages face à l'urbanisation croissante. Ils ont ainsi étudié les communautés de plantes et d'insectes pollinisateurs (abeilles sauvages et syrphes1 ) à travers un gradient d'urbanisation dans le territoire de la Métropole Européenne de Lille, en choisissant des sites gérés de manière similaire et en collaboration avec les services des parcs et jardins.

prairie ilot urbain
Prairie fleurie avec marguerites et centaurées sur un îlot de circulation dans une zone fortement urbanisée. Credit : Alessandro Fisogni

Menée par des scientifiques du laboratoire Evolution, Ecologie et Paléontologie (EVO-ECO-PALEO – CNRS / Université de Lille), cette étude révèle des réponses différentielles chez les plantes et chez les pollinisateurs. La floraison des plantes a montré une forte réponse à l'urbanisation avec une nette avancée du pic de floraison dans les sites à forte urbanisation, jusqu'à quatre semaines plus précoce que sur les zones rurales. Au contraire, les pollinisateurs n'ont pas montré de déplacement clair de leur phénologie d’activité le long du gradient. 

Ces résultats suggèrent qu'un écart se forme entre les cycles saisonniers des plantes et des pollinisateurs dans les villes, ce qui pourrait entraîner des modifications de la structure des réseaux plantes-pollinisateurs et avoir des conséquences négatives sur la reproduction et la survie des espèces. Si les plantes sont confrontées à une pénurie de pollinisateurs, cela peut entraîner une diminution de la production de graines. De même, bien que les pollinisateurs puissent compter sur une mobilité plus importante pour trouver des plantes utiles à proximité des sites étudiés, ce décalage par rapport au moment de floraison peut être particulièrement problématique pour eux. Ils perdent leur habitat et, contrairement à de nombreuses plantes en ville, les pollinisateurs ne sont pas ou peu entretenus par l'homme (sauf pour l’abeille domestique).

Ces résultats publiés dans Oikos soulignent également l'importance de la gestion écologique des espaces verts afin de garantir la présence de plantes à fleurs tout au long de la saison pour soutenir les pollinisateurs en zone urbaine.

bourdon des champs
Bourdon des champs (Bombus pascuorum) à la recherche de nectar sur une centaurée dans une prairie fleurie en zone urbaine. Credit : Alessandro Fisogni

 

  • 1Les syrphes sont des Diptères, c’est-à-dire des mouches, ressemblant généralement à des abeilles et dont les adultes utilisent les ressources florales pour se nourrir.

Objectifs de développement durable

ODD

  • ODD 11 - Villes et communautés durables
  • ODD 13 - Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques
  • ODD 15 - Vie terrestre

Ce travail contribue à la compréhension des réseaux d'interactions plantes-pollinisateurs en ville. Une meilleure connaissance des conséquences de l'urbanisation, telles que l'effet îlot de chaleur, sur les communautés d'espèces et notamment la fonction de pollinisation, permettra de développer des villes plus durables dans un contexte de changement climatique.

Référence

Fisogni A, Hautekèete N, Piquot Y, Brun M, Vanappelghem C, Michez D, Massol F. Urbanization drives an early spring for plants but not for pollinators. Oikos. 2020 Aug 27 ; 129(11) :1681-691

Contact

Nina Hautekèete
Evolution, Ecologie et Paléontologie (EVO-ECO-PALEO - Université de Lille, CNRS)
Alessandro Fisogni
Evolution, Ecologie et Paléontologie (EVO-ECO-PALEO - Université de Lille, CNRS)
François Massol
Evolution, Ecologie et Paléontologie (EVO-ECO-PALEO - Université de Lille, CNRS) ; Centre d’Infection et d’Immunité de Lille (Univ. Lille / CNRS / Inserm / CHU Lille / Institut Pasteur de Lille)
Jessie Cuvelier
Communication - Evolution, Ecologie et Paléontologie (EVO-ECO-PALEO - CNRS/Univ de Lille)