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Le genêt à balais (Cytisus scoparius), un exemple de plante originaire d’Europe et introduite en Amérique du Sud. Cette espèce colonise les hautes altitudes dans les Andes, en Argentine et au Chili notamment, en empruntant les bords de routes. © Jonas Lembrechts

Migration rapide des plantes exotiques le long des routes de montagne

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité Interaction Homme-Milieux

Les plantes exotiques empruntent les routes de montagne et profitent du réchauffement climatique pour migrer plus haut en altitude. Une équipe de recherche internationale, comprenant un chercheur du CNRS, a montré que plus le point d’introduction d’une plante exotique est bas en altitude, en zone de plaine par exemple, et plus rapide est la vitesse de colonisation vers les sommets. Les résultats de cette étude viennent de paraître dans la revue Nature Ecology & Evolution. Les scientifiques notent que les vitesses de migration observées dans cette étude sont plus rapides que celles des espèces végétales natives et concluent que les infrastructures routières en montagne agissent comme de véritables boulevards de colonisation pour les plantes exotiques introduites à basses altitudes.

Avec le réchauffement climatique, de nombreuses espèces migrent vers les hautes latitudes et les hautes altitudes à la recherche de températures devenues plus clémentes. C’est le cas également des plantes exotiques qui ont été introduites par la main de l’Homme. Au même titre que les espèces natives, les espèces exotiques profitent du réchauffement climatique global pour coloniser de nouveaux territoires plus haut en altitude en zone de montagne. Cependant, elles bénéficient également des perturbations liées aux activités humaines, comme la création de routes et de chemins, qui ouvrent un véritable boulevard de migration permettant aux espèces exotiques de migrer encore plus rapidement. Une équipe internationale menée par Evelin Iseli, et réunissant 13 nationalités différentes, a suivi les changements dans la distribution de 480 espèces de plantes exotiques le long des routes de plusieurs massifs montagneux à travers le monde. L’équipe de recherche a notamment réalisé un suivi botanique, tous les 5 ans entre 2007 et 2016, le long de 35 routes de montagne traversant 11 massifs montagneux répartis sur 5 continents (Amérique du Nord, Amérique du Sud, Europe, Asie et Australie) et 2 zones insulaires (Hawaï et Ténériffe).

Les résultats de leurs travaux, publiés dans la revue Nature Ecology & Evolution, montrent qu’en seulement 10 ans, le nombre d’espèces de plantes exotiques au sein des 11 massifs étudiés a augmenté de 16 %. En moyenne, sur l’ensemble des 11 massifs, la limite altitudinale supérieure des espèces exotiques a progressé de +3,74 m/an vers les hautes altitudes. Cependant cette vitesse moyenne cache une forte variabilité en fonction du massif (+21 m/an dans la zone du Cachemire en Inde contre +2 m/an dans les Andes au sud du Chili) mais aussi et surtout en fonction de l’altitude d’introduction. Pour 7 des 11 massifs étudiés, la vitesse de migration est bien plus rapide pour les espèces exotiques qui ont été introduites à basse altitude que celles qui ont été introduites un peu plus haut en altitude et cette tendance est significativement plus prononcée qu’attendue de manière totalement aléatoire. Par exemple, au sud du Chili, la limite altitudinale supérieure des plantes exotiques introduites à ~300 m d’altitude a migré à une vitesse d’environ 30 m/an, en moyenne, contre environ 10 m/an, en moyenne, à ~1000 m d’altitude, soit 3 fois plus vite à basses altitudes.

Les vitesses de migration observée dans cette étude sont plus rapides que les vitesses de migration des espèces végétales natives. A titre comparatif, la vitesse moyenne de migration de la limite altitudinale supérieure des plantes indigènes dans les Alpes est de 2,82 m/an, en moyenne, contre 10,52 m/an, en moyenne dans cette étude (Alpes Suisse), pour les espèces exotiques. Cette vitesse moyenne de migration des plantes exotiques dans les Alpes Suisse est d’ailleurs plus rapide que la vitesse de migration moyenne des isothermes, qui est d’environ +6 à +7 m/an dans les Alpes. Cela suggère donc que le réchauffement climatique seul ne peut pas expliquer la vitesse à laquelle les plantes exotiques migrent en montagne, surtout à plus basse altitude. D’autres facteurs liés aux activités humaines accélèrent ce processus de colonisation des hautes altitudes par les espèces exotiques. Les infrastructures routières en montagne sont de véritables boulevards de colonisation des hautes altitudes pour les plantes exotiques introduites à basses altitudes. La rapidité à laquelle les plantes exotiques migrent en altitude pose de sérieuses questions en matière de risque d’invasion au sein de ces écosystèmes qui étaient jusque-là plutôt exempts de ces risques liés aux invasions biologiques.

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Le genêt à balais (Cytisus scoparius), un exemple de plante originaire d’Europe et introduite en Amérique du Sud. Cette espèce colonise les hautes altitudes dans les Andes, en Argentine et au Chili notamment, en empruntant les bords de routes. Photo prise par Jonas Lembrechts en octobre 2014 à Bariloche (Argentine).

 

Laboratoire CNRS impliqué

  • Ecologie et dynamique des systèmes anthropisés (EDYSAN - Université de Picardie Jules Verne / CNRS)

Objectifs de développement durable

pictODD

  • Objectif 3 : Bonne santé et bien-être
  • Objectif 13 : Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques
  • Objectif 15 : Vie terrestre

Ce travail contribue à l'amélioration des connaissances sur les changements de biodiversité et de productivité primaire en réponse aux changements du climat.

Référence

Rapid upwards spread of non-native plants in mountains across continents. Iseli E., Chisholm C., Lenoir J. et al. Nature Ecology & Evolution, le 26 janvier 2023. DOI: 10.1038/s41559-022-01979-6

Contact

Jonathan Lenoir
Écologie et dynamique des systèmes anthropisés (EDYSAN - CNRS/Univ. Picardie Jules Verne)