Culture cellulaire tri-dimentionnelle de keratinocyte d'amygdale infectés par un papillomavirus humain oncogénique© Sally Roberts, Dhananjay Evans, Hisham Mehanna, Joanna Parish

Oncovirus humains : des agents cancérigènes silencieux

Résultats scientifiques Ecologie de la santé

Près d’un cancer sur dix est causé par une infection virale. Ces oncovirus infectent la plupart d’entre nous, le plus souvent sans provoquer de maladie car leur virulence est très faible. Pendant des décennies, ces agents cancérigènes silencieux ont remis en question la recherche médicale et fondamentale. S’il existe aujourd’hui une grande variété d’approches pour tenter de comprendre pourquoi les infections virales silencieuses causent des cancers, il existe peu d’interactions entre les modèles expérimentaux, animaux, mathématiques et évolutionnaires.  Une récente étude parue dans Philosophical Transaction of the Royal Society of London B, dirigée par deux chercheurs CNRS du laboratoire Maladies Infectieuses et Vecteurs : Ecologie, Génétique, Evolution et Contrôle (MIVEGEC – CNRS/IRD/Univ Montpellier) a tenté de coordonner des travaux pluridisciplinaires de collaborateurs internationaux afin d’apporter une nouvelle lumière sur ces virus.

Chaque année sont diagnostiqués plus de deux millions de cas de cancer qui proviennent d’une infection par virus ADN, en particulier des herpesvirus et des papillomavirus. Pourtant, à première vue, la plupart de ces virus semblent inoffensifs car ces infections sont soit éliminées rapidement par la réponse immunitaire, soit persistent pendant des années, voire des décennies, souvent sans provoquer de symptômes. Si ces oncovirus sont un défi majeur en santé publique, c’est parce que le fardeau qu’ils imposent aux populations humaines, en particulier dans les pays les moins riches, provient de leur énorme prévalence. Ainsi, plus de 8 personnes sur 10 ont été infectées par l’herpesvirus de Epstein-Barr, qui cause des mononucléoses et dans moins d’un cas sur 10 000 des cancers. Autre exemple, plus de 80 % des adultes seront infectés par des papillomavirus humains oncogènes pendant leur vie sexuelle. Plus de 90 % de ces infections seront anodines, mais malheureusement des milliers de nouveaux cas de cancer de col de l’utérus sont diagnostiqués chaque année, dont 3 000 en France.

 

Dans un numéro spécial de la revue Philosophical Transaction of the Royal Society of London B, Samuel Alizon et Ignacio Bravo (MIVEGEC – CNRS/IRD/Univ Montpellier) ont effectué une démarche originale en coordonnant des travaux de collaborateurs internationaux issus de disciplines variées telles que la virologie moléculaire, les mathématiques, la biologie de l’évolution et l’écologie afin d’apporter une nouvelle lumière sur ces virus. En particulier, ces contributions adressent la question de la carcinogenicité virale à plusieurs niveaux d’intégration, de la cellule à l’écosystème, des molécules aux individus.

 

Une des avancées présentées dans ce numéro spécial concerne les cultures cellulaires tridimensionnelles. Tandis que les cultures « classiques » n’ont qu’une seule couche, cette technique permet de recréer des structures plus similaires aux tissues infectés par nombre de virus oncogéniques et donc de mieux reproduire l’infection en laboratoire. Une contribution issue de l’Agence Internationale de Recherche sur le Cancer, basée à Lyon, se concentre elle sur les mécanismes associés à la carcinogénicité potentielle des papillomavirus qui peuplent notre peau. La contribution issue de l’équipe d’Ignacio Bravo porte sur l’origine évolutive de la virulence d’HPV16, le plus oncogène des papillomavirus humains. Enfin, celle de l’équipe de Samuel Alizon développe une approche de modélisation mathématique afin de comprendre comment les variations de cycles de vie des oncovirus façonnent la durée et la virulence de leurs infections.

 

En créant des ponts entre des laboratoires travaillant sur des virus différents avec des approches différentes, l’ambition est de favoriser les échanges d’outils et de concepts. Cette démarche permettra une meilleure compréhension globale des cancers d’origine infectieuse, qui restent les cancers que nous sommes les plus à même de prévenir car nous pouvons avoir recours aux méthodes classiques de contrôle des maladies infectieuses telles que la vaccination et le dépistage.

 

Références

Alizon S, Bravo IG, Farrell P, Roberts S. 2019 Towards a multi-level and a multi-disciplinary approach to DNA oncovirus virulence. Phil. Trans. R. Soc. B 20190041.

Murall CL, Alizon S. 2019 Modelling the evolution of viral oncogenesis. Phil. Trans. R. Soc. B 20180302

Willesmen A, Bravo I. 2019 Origin and evolution of papillomavirus (onco)genes and genomes. Phil. Trans. R. Soc. B.

 

 

 

Contact

Samuel Alizon
Maladies Infectieuses et Vecteurs : Ecologie, Génétique, Evolution et Contrôle ( MIVEGEC - CNRS / IRD / Université de Montpellier )
Ignacio G. Bravo