Une fleur de Rosa chinensis ‘Old Blush’ couverte de rosée lors de son ouverture au matin avant l’émission de ses parfums plaisants. © Jean-Claude Caissard and Benoît Boachon

Origine métabolique et évolutive de la synthèse des parfums chez la rose

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

La rose est connue depuis l’antiquité pour son parfum unique et caractéristique. Une récente étude a permis d’identifier une enzyme clé impliquée dans la synthèse de ces molécules odorantes dont le géraniol. Publiée dans la revue PNAS, elle décrit comment une enzyme indispensable à la vie des cellules eucaryotes et de certaines bactéries a évolué dans la famille des Rosacées pour produire le précurseur des molécules parfumées de type terpènes chez la rose.

Une étude scientifique réalisée par le laboratoire LBVPam menée par Benoît Boachon et publiée dans la revue scientifique pluridisciplinaire PNAS a identifié une enzyme clé impliquée dans la synthèse d'un composé volatil à l'origine de la fragrance caractéristique des roses. Ce composé volatil, le géraniol, qui confère aux roses leur odeur incomparable est également souvent utilisé dans les produits cosmétiques et les parfums et est un précurseur de certains produits anticancéreux. En 2015 l’équipe du LBVpam rapportait pour la première fois une enzyme clé et unique chez la rose impliquée dans la synthèse originale du géraniol, l'hydrolase NUDX1. Cette enzyme est localisée dans le cytosol des cellules qui composent les pétales de roses mais le substrat de l'enzyme, le géranyl diphosphate (GPP), était considéré depuis longtemps comme étant synthétisé dans les plastes des plantes, des organites cellulaires caractéristiques des cellules végétales. L’équipe du LBVPam à l’aide de collaborateurs nationaux et internationaux et dans le cadre de la thèse de Corentin Conart a exploré l'origine métabolique et biochimique du GPP cytosolique en utilisant la variété odorante de rose, Rosa chinensis "Old Blush".

Cette étude rapporte l'identification d’une activité jusqu’alors inconnue chez une enzyme centrale de la voie du mévalonate, voie métabolique présente chez tous les eucaryotes supérieurs et la plupart des bactéries. Habituellement cette enzyme produit uniquement le farnésyl diphosphate (FPP), précurseur à l’origine de la synthèse de sesquiterpènes volatils, des stérols végétaux et de la prénylation des protéines indispensables à la vie cellulaire. Chez la rose, les résultats ont montré que cette enzyme est bifonctionnelle contrairement aux autres organismes et produit (en plus du FPP) le GPP, précurseur du géraniol. L’étude montre que cette enzyme clé, renommée geranyl/farnesyl diphosphate synthase (RcG/FPPS1), est indispensable à la synthèse et l’émission de géraniol mais aussi des autres terpènes volatils participant à l’odeur caractéristique de rose.

Une analyse phylogénétique a révélé que l’activité bifonctionnelle G/FPPS1 est apparue au cours de l'évolution des plantes à fleurs du clade Rosidées et est restée fortement conservée chez les plantes de la famille des Rosacées comme le fraisier via la mutation de deux acides aminés clés. Ces résultats révèlent un acteur clé dans la synthèse de composés volatils à l'origine de la fragrance unique des roses mais aussi chez les Rosacées. Cette découverte permet de mieux comprendre comment certaines plantes produisent des odeurs via une voie métabolique alternative ouvrant la voie à une révision du dogme généralement accepté pour la synthèse canonique des terpènes chez les plantes et notamment des monoterpènes dans les plastes et pourrait avoir des implications pour les industries du parfum, des arômes et de la cosmétique.

rose
Une fleur de Rosa chinensis ‘Old Blush’ couverte de rosée lors de son ouverture au matin avant l’émission de ses parfums plaisants. Cet hybride de rose, le premier dont le génome a été obtenu chez les roses est utilisé comme un modèle pour l’étude de la biosynthèse des parfums. © Jean-Claude Caissard and Benoît Boachon (Université Jean Monnet, Saint-Etienne, France).

Laboratoires CNRS impliqués

  • Laboratoire de biotechnologies végétales appliquées aux plantes aromatiques et médicinales (LBVpam - CNRS / Université Jean Monnet Saint-Etienne)
  • Institut de Biologie Moléculaire des Plantes (IBMP - CNRS / Université de Strasbourg)
  • Institut des Sciences Analytiques (ISA - CNRS / Université de Lyon / Université Claude Bernard Lyon 1)
  • Institut de Chimie de Strasbourg (CNRS / Université de Strasbourg)

Référence de la publication

Conart C, Bomzan DP, Huang XQ, Bassard JE, Paramita SN, Saint-Marcoux D, Rius-Bony A, Hivert G, Anchisi A, Schaller H, Hamama L, Magnard JL, Lipko A, Swiezewska E, Jame P, Riveill G, Hibrand-Saint Oyant L, Rohmer M, Lewinsohn E, Dudareva N, Baudino S, Caissard JC, Boachon B. (2023). A cytosolic bifunctional geranyl/farnesyl diphosphate synthase provides MVA-derived GPP for geraniol biosynthesis in rose flowers. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America120(19), e2221440120. https://doi.org/10.1073/pnas.2221440120

Contact

Benoît Boachon
Laboratoire de biotechnologies végétales appliquées aux plantes aromatiques et médicinales (BVpam - CNRS / Université Jean Monnet)