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Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

Des chercheurs issus du Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE – CNRS / Univ Montpellier / EPHE / IRD) et du Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC – CNRS / La Rochelle Université) ont réalisé la première synthèse des mouvements des 363 espèces connues d’oiseaux marins à l’échelle mondiale.  Bien que les oiseaux soient suivis dans presque toutes les régions de la planète, des mystères persistent, notamment dans les zones tropicales, et plus d’un tiers des espèces n’ont pas encore livré tous leurs secrets. Les connaissances sur l’écologie de ces espèces emblématiques et vulnérables sont pourtant essentielles à leur conservation. L’étude a été publiée le 10 mai 2021 dans la revue Conservation Letters.

En équipant les animaux sauvages de balises électroniques, les scientifiques obtiennent une image sans précédent de leurs mouvements. Les suivis, parfois précis à la seconde et au centimètre, permettent de pister certaines espèces tout au long de leur vie, partout sur la planète. Ces avancées technologiques ont été particulièrement spectaculaires en milieu marin, où les suivis électroniques des animaux ont ouvert des mondes préalablement inaccessibles aux chercheurs. Les études ont notamment permis d'acquérir des connaissances sans précédent sur la migration des oiseaux marins et sur leurs comportements de recherche alimentaire. Ces informations sont essentielles pour la protection des oiseaux marins, le groupe d’oiseaux le plus menacé, avec les perroquets.

Cette synthèse, menée par des scientifiques du Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE – CNRS / Univ Montpellier / EPHE / IRD) et du Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC – CNRS / La Rochelle Université) recense près de 700 publications basées sur des suivis électroniques des mouvements des oiseaux marins. Les travaux correspondants, principalement réalisés depuis 1990, fournissent des informations sur plus de 28 000 individus appartenant à 216 espèces.

Les chercheurs ont montré que malgré un enrichissement toujours grandissant des connaissances sur les déplacements des oiseaux marins, certaines lacunes persistent. Les régions tropicales sont sous étudiées par rapport au reste des océans du globe. De plus, l’écologie en mer d’un tiers des espèces demeure mystérieuse, même dans des zones bien étudiées comme les Terres Australes et Antarctiques françaises. Les espèces les plus lourdes sont plus étudiées, au détriment d’espèces plus légères, mais la miniaturisation toujours croissante des appareils permet d’équiper des espèces de plus en plus petites. Par ailleurs, aucune information n’est disponible sur les mouvements de 54 espèces d’oiseaux marins classées comme menacées par l’Union Internationale pour le Conservation de la Nature (UICN). De plus, pour 19 autres espèces menacées, les informations disponibles ne permettaient pas d’obtenir une vision globale de leurs mouvements en mer. Alors que des décisions majeures doivent être prises afin de mieux préserver les oiseaux marins et les milieux dont ils dépendent, il est extrêmement important de combler ces lacunes.

L’étude, publiée dans Conservation Letters, souligne aussi que la plupart des données de suivi électroniques ne sont pas disponibles dans les bases de données en ligne. L’accessibilité des données est pourtant un élément primordial, tant pour les scientifiques que pour les décideurs, notamment pour la mise en place d’aires marines protégées.

Sur la base de cette synthèse à partir de suivis électroniques des mouvements d’animaux sauvages, les scientifiques proposent une stratégie globale pour les prochaines études centrées sur les oiseaux marins, dans le but de contribuer à leur protection.

  1. Travailler conjointement sur un programme mondial de suivi des oiseaux de mer, afin d'obtenir une image complète de leurs mouvements.
  2. Créer un fonds international, en partenariat avec des chercheurs, des agences de financement et l’industrie afin de concevoir la prochaine génération de balises électroniques, suffisamment petites pour suivre toutes les espèces, dans le respect strict du bien-être animal.
  3. Encourager les chercheurs et leurs institutions à investir dans des solutions de partage et d'archivage rapides et efficaces des données au sein de bases de données en ligne, tout en respectant la reconnaissance adéquate des collecteurs de données.
  4. Etudier systématiquement les mouvements de la mégafaune marine dès lors qu’un pays ou une entreprise souhaitent exploiter les ressources marines, afin d’évaluer les impacts potentiels de ces projets.
oiseaux marins
Certaines espèces font l’objet de suivis sur le long terme et sur toute leur zone de distribution. A gauche, la colonie de fou de Bassan (Morus bassanus), de l’île de Rouzic, Bretagne (crédit photo: Alice Bernard). A droite, un albatros hurleur (Diomedea exulans), une espèce menacée, Terres Australes et Antarctique Française (crédit photo: David Grémillet).

 

oiseaux marins
Nos connaissances des mouvements des oiseaux marins demeurent lacunaires. Les oiseaux marins tropicaux sont particulièrement concernés. A gauche, une gygis blanche (Gygis alba) des Îles Eparses (crédit photo: David Grémillet). Les lacunes restent aussi présentes dans des zones très étudiées comme les Terres Australes Françaises. A droite, un damier du Cap (Daption capense), une espèce menacée (crédit photo: Jérémy Tornos).
Carte représentant le pourcentage d’espèces suivies par balise électronique au sein des différentes provinces marines.
Carte représentant le pourcentage d’espèces suivies par balise électronique au sein des différentes provinces marines. © Conservation Letters/Wiley

 

Objectifs de développement durable

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  • ODD 14 – Vie aquatique

Ces recherches contribuent à l’objectif 14 (vie aquatique) de développement durable. Les oiseaux marins passent la majeure partie de leur vie en mer et sont pour la plupart au sommet de la chaine alimentaire. Ils sont des indicateurs pertinents de la santé des écosystèmes marins, faisant d’eux des vraies sentinelles des océans. Le déclin significatif et mondial des populations d’oiseaux marins alarme sur la pression exercée par les humains sur les écosystèmes océaniques. Dans ce contexte, le suivi des oiseaux marins par balise électronique est crucial pour mettre en évidence les zones riches en biodiversité et définir des aires protégées pertinentes et efficaces.

Référence

Alice Bernard, Ana S.L. Rodrigues, Victor Cazalis, David Grémillet. Towards a global strategy for seabird tracking. Conservation Letters. 2021; 00:e12804.

Contact

David Grémillet
Centre d'études biologiques de Chizé (CEBC - CNRS/Univ. La Rochelle)
Alice Bernard
Reconciling Ecological and Human Adaptations for Biosphere Sustainability (REHABS - CNRS / Nelson Mandela University / Univ Lyon 1)
Cécile Ribout
Correspondante communication - Centre d'études biologiques de Chizé (CEBC - CNRS/La Rochelle Université)
Paula Dias
Contact communication - Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE - CNRS / EPHE / IRD / Université de Montpellier)