Pas d’explosion cambrienne, mais une lente évolution des premiers animaux

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

On parle souvent d’une explosion cambrienne de la vie animale (il y a ± 540 millions d’années), et certains scientifiques avancent l’hypothèse d’un événement (event) majeur au cours de l’Ordovicien (± 470 millions d’années). Cette vision simpliste et raccoleuse est contredite par une nouvelle étude publiée dans Palaeo3. A partir des principales bases de données disponibles, celle-ci montre que la diversification des premiers animaux dans les océans s'est étalée sur au moins 100 millions d’années.

La diversification des premiers animaux, attestée par les fossiles, est souvent considérée comme rapide, avec une apparition soudaine dans un intervalle de temps relativement court. On la situe le plus souvent dans la partie inférieure du Cambrien (période allant de -541 à -485 millions d’années). Sans que l’origine de la terminologie puisse être retracée précisément, les chercheurs utilisent, depuis les années 1960, l’expression d’ Explosion Cambrienne“ pour désigner l’apparition des phylums d’animaux sur Terre. Depuis la fin des années 1990, une autre terminologie est largement utilisée pour expliquer la biodiversification massive des espèces biologiques dans les océans au cours de l’Ordovicien (période allant de –485 à –443 millions d’années) : La Grande Biodiversification Ordovicienne, qui en anglais se voit adjoindre le terme “événement: The Great Ordovician Biodiversification Event.

A la recherche des causes, biologiques ou géologiques, de ces “ événements“ dans l’histoire de la vie sur Terre, plusieurs chercheurs situent d’une manière précise cette explosion au début du Cambrien, soit à environ -541 millions d’années, ou encore l’évènement ordovicien à la base de l’Ordovicien moyen, quelque 70 millions d’années plus tard, à ± -470 millions d’années. Il est en effet accrocheur de parler de grands événements, ou de big bangs de l’évolution.

Mais s’agit-il réellement des événements bouleversants, très brefs (à l'échelle des temps géologiques) et distincts, qui ont accéléré le développement des écosystèmes marins durant le Phanérozoïque ?

Dans une nouvelle étude, publiée dans la revue Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, un consortium international de chercheurs, co-dirigé par des chercheurs CNRS du laboratoire Evo-Eco-Paléo (CNRS, Université de Lille) et du Laboratoire de Géologie de Lyon – Terre, Planète, Environnement (CNRS, ENS, Université de Lyon1, UJM), compare l’ensemble des courbes de biodiversité disponibles, y compris celles de la Paleobiology Database (PBDB) et de la Geobiodiversity Database (GBDB). L’analyse met en évidence l'existence d'une seule phase de diversification des animaux à grande échelle et à long terme, qui s’étend du Précambrien terminal jusqu’à la fin du Silurien au moins, soit sur une durée d’au moins 100 millions d’années. Une “explosion“ brutale de diversité au Cambrien ou un “événement“ significatif à l'Ordovicien ne sont pas visibles dans ces études de biodiversité. La séparation entre les diversifications cambrienne et ordovicienne résulte principalement d’une absence de données au Cambrien terminal dans la PBDB, séparant ainsi artificiellement les deux périodes.  

Il en résulte qu’il n’y avait qu’une seule très longue et lente diversification. Les deux termes, “explosion“ du Cambrien et “événement“ de l’Ordovicien, devraient être utilisés uniquement comme termes conceptuels. Le premier représente l'apparition de la quasi-totalité des phylums animaux à la fin du Précambrien et au début du Cambrien; le second englobe les biodiversifications, nombreuses et complexes, qui se sont produites pendant tout l'Ordovicien.

 

Comparaison des courbes de biodiversité des animaux marins du Cambrien au Silurien (A-C) avec les fluctuations du niveau marin (D)
Comparaison des courbes de biodiversité des animaux marins du Cambrien au Silurien (A-C) avec les fluctuations du niveau marin (D). © Modifié d’après Servais et al. (2023).

 

Laboratoires CNRS impliqués

  • Evolution, Ecologie et Paléontologie (EVO-ECO-PALEO - CNRS / UNIVERSITE DE LILLE
  • Laboratoire de Géologie de Lyon : Terre, Planètes, Environnement (LGL-TPE - CNRS / ECOLE NORMALE SUPÉRIEURE DE LYON / UNIVERSITE CLAUDE BERNARD / UNIVERSITE JEAN MONNET)

Référence de la publication

Servais T, Cascales-Miñana B, Harper BAT, Lefebvre B, Munnecke A, Wang W, Zhang Y. No (Cambrian) explosion and no (Ordovician) event: A single long-term radiation in the early Palaeozoic. 2023; 623, 111592. https://doi.org/10.1016/j.palaeo.2023.111592 

Contact

Thomas Servais
Directeur de Recherche CNRS
Borja Cascales-Miñana
Chercheur CNRS
Bertrand Lefebvre
Chercheur CNRS
Jessie Cuvelier
Communication - Evolution, Ecologie et Paléontologie (EVO-ECO-PALEO - CNRS/Univ de Lille)