Pollution à l’ozone : les abeilles ne se rappellent plus comment faire la différence entre les parfums de fleurs

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

Sous influence de la pollution à l’ozone, les abeilles ne font plus la distinction entre les odeurs de fleurs qu’elles ont apprises et d’autres odeurs florales non-apprises. Cela pourrait avoir des conséquences sur l’efficacité du service de pollinisation, comme le rapporte une équipe de scientifiques dans la revue Science of the Total Environment 827, récemment parue.

La pollution atmosphérique provient des activités humaines et affecte l’environnement, où vivent et interagissent les différentes espèces végétales et animales. Depuis le début de l’époque industrielle, la concentration de cette pollution augmente régulièrement et se prolongera dans les prochaines décennies. Certains des polluants comme l’ozone troposphérique (O3) sont nocifs pour la santé humaine et pour la physiologie des plantes. Mais malgré cela, peu nombreuses sont les études à s’être  intéressées aux effets directs de l’ozone sur la physiologie des pollinisateurs.

L’ozone, pourtant, possède un fort potentiel oxydant qui engendre des espèces réactives oxygénées au sein de l’organisme, et qui aboutissent à un stress oxydant. Et via ce stress, l’ozone peut affecter le comportement des insectes pollinisateurs. En particulier, cela peut brouiller la perception des signaux que les pollinisateurs utilisent pour s’orienter dans leur environnement. 

Les odeurs de fleurs sont composées de molécules volatiles émises par les plantes, et qui servent, entre autres, de signaux pour différents animaux : dans le cas de la pollinisation, ces odeurs attirent différents insectes. Cela permet aux insectes pollinisateurs de localiser une ressource alimentaire, nectar ou pollen, et de l’associer avec un parfum de fleur particulier.

Dans ce projet co-financé par l’ANSES et l’I-site MUSE, l’abeille domestique Apis mellifera est utilisée comme modèle afin de d’évaluer les effets de l’ozone à plusieurs concentrations réalistes et déjà mesurées dans l’environnement lors d’épisodes de pics de pollution (jusqu’à 200 ppb comme lors de canicules). Par ce biais, deux aspects cruciaux  de l’interaction sont mis en évidence dans cette étude : la détection (où comment les antennes d’abeilles exposées à l’ozone réagissent à différentes odeurs) et la mémorisation (où comment l’ozone affecte les processus d’apprentissage et de mémoire en réponse à des odeurs de fleurs) -.

Grâce à l’enregistrement de l’activité des antennes d’abeilles placées dans différentes concentrations, l’ozone a un effet direct en diminuant nettement leur activité directement après exposition. La détection des odeurs par les antennes est donc altérée par l’ozone. Parallèlement, si les différentes concentrations d’ozone affectent modérément l’apprentissage d’une odeur, elles engendrent surtout une perte de spécificité du signal , c’est-à-dire qu’une odeur apprise va déclencher le même type de réponse qu’une odeur non-apprise. L’ozone perturbe la discrimination entre deux odeurs et en modifie leur perception. C’est un peu comme si, pour les abeilles sous influence de l’ozone, toutes les odeurs florales avaient un parfum équivalent et atténué.

Un tel impact sur l’olfaction des pollinisateurs induit une modification dueur comportement de butinage,  i toutes les odeurs se ressemblent sans distinction, alors l’effet de l’ozone peut s’avérer délétère sur le service de pollinisation à long terme et pas seulement lors des pics de pollution.

 

une abeille butineuse (Apis mellifera) visitant une fleur.  Crédits : Fabien Démares.
Une abeille butineuse (Apis mellifera) visitant une fleur. Crédit : Fabien Démares
Effets de l’ozone sur les capacités d’apprentissage, de rappel et de discrimination olfactive sur l’abeille domestique, Apis mellifera. Crédits : Fabien Démares.
Effets de l’ozone sur les capacités d’apprentissage, de rappel et de discrimination olfactive sur l’abeille domestique, Apis mellifera. Crédit : Fabien Démares

 

Laboratoire CNRS impliqué

  • Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE - Univ Montpellier/CNRS/EPHE/IRD)

Objectifs de Développement durable

pictODD

  • Objectif 13 - Lutte contre les changements climatiques
  • Objectif 15 - Vie terrestre

Nous nous inscrivons dans le cadre d’un changement climatique, et nous rapportons les effets nocifs que pourraient avoir un gaz issu de l’activité humaine, l’ozone troposphérique, sur la vie et la santé des pollinisateurs, les abeilles. Avec le réchauffement climatique, le taux d’ozone dans l’atmosphère va augmenter, donc il s’agit ici d’évaluer les concentrations d’ozone auxquelles les abeilles pourraient être affectées et ainsi alerter sur les limites à ne pas dépasser, pour préserver la santé des pollinisateurs et la biodiversité.

Référence

Acute ozone exposure impairs detection of floral odor, learning, and memory of honey bees, through olfactory generalization. Fabien Démares, Laëtitia Gibert, Pierre Creusot, Benoit Lapeyre, Magali Proffit
PMID: 35257776 - DOI: 10.1016/j.scitotenv.2022.154342

Contact

Fabien Démares
Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE - Université de Montpellier/CNRS/EPHE/IRD)
Paula Dias
Contact communication - Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE - CNRS / EPHE / IRD / Université de Montpellier)