Pollution par les composés perfluorés : une menace grandissante pour les oiseaux de l’Arctique

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

L’exposition aux polluants tels que les substances poly- et perfluoroalkylées (PFAS), stimule le stress oxydatif chez un oiseau marin de l’Arctique. C'est ce que révèle l’étude du Centre d'études biologiques de Chizé (CNRS/Université La Rochelle) et du Muséum National d’Histoire Naturelle et publiée dans Environmental Research. Cette étude est la première à faire le lien entre le stress oxydatif, mécanisme majeur du vieillissement cellulaire et la contamination par ces polluants, de plus en plus présents en Arctique.

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Mouette tridactyle en Baie du Roi, Svalbard, Arctique. Cette espèce qui se nourrit principalement de petits poissons est largement représentée dans l’Arctique, et se trouve fortement contaminée par divers polluants organiques dont les Substances Poly- et Perfluoroalkylées (PFAS). © Pierre Blévin CEBC-CNRS / IPEV

Les substances Poly- et Perfluoroalkylées (PFAS), désignent des polymères chimiques qui de par leurs propriétés tensio-actives, sont présents dans de nombreux objets de la vie courante, qu'il s'agisse de poêles anti-adhésives, d’agents imperméabilisants, de textiles respirants, de produits anti-tâches ou dans certains emballages alimentaires. Ils ont également utilisés dans certaines mousses anti-incendies destinées à lutter contre les feux d’hydrocarbures. Ces molécules de synthèses sont commercialisées depuis le début des années 1950, mais dès les années 60-70 émergent les premiers soupçons sur l’exposition humaine aux PFAS. Cependant, il faut attendre le début des années 2000 et le développement des techniques analytiques, pour que soit mis en évidence la présence à l’échelle globale de certains PFAS chez les êtres vivants, y compris dans des zones éloignées des activités humaines. Extrêmement persistants, ces PFAS et leurs précurseurs gagnent en effet les zones polaires et notamment l’Arctique, via les courants marins et la circulation atmosphérique et se bio-accumulent le long de la chaîne alimentaire. En conséquence ces PFAS, qui présentent une forte affinité pour les protéines, sont de plus en plus détectés dans le sang des oiseaux et mammifères marins de l’Arctique, mais on sait très peu de choses sur leur toxicité.


Une partie du voile a été levée par les travaux de chercheurs du Centre d'Etudes Biologiques de Chizé (CEBC, CNRS/Université de La Rochelle) et du Muséum National d’Histoire Naturelle, lors d’une mission au Svalbard, dans l’Arctique norvégien, qui visait à mesurer l’impact de ces PFAS sur la faune polaire. En réalisant des prises de sang sur des mouettes tridactyles, oiseaux marins fortement contaminés par ces polluants, les chercheurs se sont intéressés au stress oxydatif qui correspond à une agression des cellules par des radicaux libres. L’organisme dispose de moyens pour les neutraliser : les antioxydants. Mais si ces radicaux libres sont produits en excès, cette défense ne suffit plus et les cellules s'oxydent : c'est le stress oxydatif, responsable du vieillissement cellulaire.

 

Cette étude montre pour la première fois que les mouettes tridactyles les plus contaminées par les PFAS présentent des dommages oxydatifs plus élevés et des défenses antioxydantes plus faibles. Il apparaît également qu’au sein des PFAS, ce sont les acides carboxyliques perfluorés à longue chaînes carbonées qui ont le plus d’impacts. Ce stress oxydatif, stimulé par la présence de ces polluants poly- et perfluoroalkylées pourrait alors altérer la fécondité à long terme des individus les plus contaminés. Ces résultats, publiés tout récemment dans la revue Environmental Research, suggèrent que l’augmentation des dommages causés par l'oxydation moléculaire et la perturbation des défenses antioxydantes pourraient constituer un mécanisme majeur de la toxicité des PFAS. Cette étude, soutenue par l'Institut Polaire Français (IPEV), l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) et menée en collaboration avec des chercheurs norvégiens démontre donc que ces composés perfluorés, de plus en plus présents dans des contrées aussi reculées que l’Arctique, constituent une menace sérieuse pour la biodiversité arctique.

 

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Couple de mouettes tridactyles en Baie du Roi, Svalbard, Arctique. Cet oiseau marin qui niche en grandes colonies à proximité de la base scientifique internationale de Ny Ålesund, fait l’objet d’un suivi par baguage à long terme par les chercheurs du Centre d’Etudes Biologiques de Chizé et de leurs collègues norvégiens. © Céline Clément-Chastel

Référence :

Higher plasma oxidative damage and lower plasma antioxidant defences in an Arctic seabird exposed to longer perfluoroalkyl acids. David Costantini, Pierre Blévin, Dorte Herzke, Borge Moe, Geir Wing Gabrielsen, Jan Ove Bustnes, Olivier Chastel, publié dans Environmental Research

Contacts chercheurs

David COSTANTINI
Evolution des régulations endocriniennes (MNHN/CNRS)
david.costantini@mnhn.fr

 

Olivier CHASTEL
Centre d'étude biologique - CEBC (CNRS/Univ. La Rochelle)
olivier.chastel@cebc.cnrs.fr

Contact communication

Bruno MICHAUD
Centre d'études biologiques de Chizé - CEBC (CNRS/Univ. La Rochelle)
bruno.michaud@cebc.cnrs.fr