Vipère aspic (Vipera aspis) gestante. Cette espèce est sensible aux contraintes hydriques de son habitat et dépend de la qualité des microclimats Crédits : Matthieu Berroneau

Pour résister à la sécheresse, les serpents traquent l’humidité de leurs habitats

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

Les épisodes de sécheresse sont de plus en plus fréquents en Europe et accentués lors des canicules estivales à l’image de l’été 2022. La combinaison de fortes chaleurs et du manque d’eau peut avoir de profondes répercussions sur la biodiversité avec des risques de mortalité immédiate. Les reptiles sont animaux « ectothermes » qui régulent leur température en s’exposant plus ou moins aux sources de chaleur par un comportement qu’on dénomme la thermorégulation. Une étude acceptée dans la revue Oecologia démontre pour la première fois que ces organismes choisissent aussi activement les conditions d’humidité de leur habitat par des comportements d’hydrorégulation. Ce travail1 révèle que ces comportements aident les serpents à limiter les pertes hydriques et donc à atténuer le stress associé aux effets des épisodes de sécheresse. Ces réponses comportementales ne sont possibles que si les milieux naturels sont préservés avec une diversité de microclimats humides.

  • 1mené au Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC - CNRS / La Rochelle Université) dans le cadre du projet ANR Aquatherm et avec le soutien financier de la Région Nouvelle Aquitaine
vipere aspic
Vipère aspic (Vipera aspis) gestante. Cette espèce est sensible aux contraintes hydriques de son habitat et dépend de la qualité des microclimats. Crédits : Matthieu Berroneau

Les reptiles sont des animaux qui peuvent réguler leur température de façon comportementale en modulant leur exposition à la chaleur. Lors d'événements climatiques extrêmes comme les canicules, la thermorégulation comportementale peut en partie protéger ces organismes du stress thermique et de la surchauffe. Cependant, les vagues de chaleur sont également associées à une pénurie d’eau et au risque de déshydratation chronique. Les épisodes estivaux de sécheresse sont de plus en plus fréquents en Europe et cette tendance devrait s’accentuer. Dans ce contexte de manque d’eau, l’humidité ambiante est un paramètre essentiel car il va déterminer le pouvoir desséchant de l’air. La mesure dans laquelle les individus peuvent atténuer les risques de déshydratation par leur comportement grâce à la sélection de microclimats humides reste largement inconnue.

Une étude expérimentale menée en 2022 au Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC - CNRS / La Rochelle Université) a précisément examiné les réponses comportementales et physiologiques à la sécheresse chez un serpent terrestre, la vipère aspic (Vipera aspis). Cette espèce en déclin est vulnérable au réchauffement et à la dégradation des habitats. En utilisant des enceintes climatiques, il a été possible de simuler des vagues de chaleur comparables à la canicule de 2022 avec une privation d'eau permanente. Dans ces conditions les scientifiques ont manipulé l’humidité de l’air ambiant (air sec contre air humide) et le microhabitat disponible (abri sec contre abri humide). L’exposition à un air sec a entraîné une déshydratation physiologique plus importante avec notamment une fonte musculaire alors que ces effets étaient plus faibles avec un air humide. Ce résultat souligne que les effets de la canicule sont aggravés si l’air est particulièrement desséchant. L’utilisation de l’abri a été quantifiée chaque jour ce qui a mis en évidence une augmentation plus marquée, mais seulement si l’abri offrait un bénéfice d’humidité. Ainsi, les vipères exposées à l'air sec ont très fréquemment utilisé un abri disposant d’un microclimat humide ce qui leur a permis d’atténuer la déshydratation et le stress physiologique associé.

Ces résultats fournissent la première preuve expérimentale que les reptiles sont capables de réaliser une hydrorégulation comportementale active, définie comme un choix de leur habitat selon l’humidité de l’air. De plus, ces comportements peuvent atténuer les réponses de stress physiologique spécifiques causées par une période de sécheresse dans un ectotherme. Les futures études portant sur les réponses des organismes au changement climatique devraient tenir compte du gradient d'humidité dans l'habitat et intégrer à la fois les comportements d'hydrorégulation et de thermorégulation.

Laboratoires CNRS impliqués

  • Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC - CNRS / La Rochelle Université)
  • Institut d’écologie et des sciences de l’environnement (IEES - Sorbonne Université / CNRS / IRD / INRAE)
  • Centre de recherche en écologie expérimentale et prédictive (CEREEP-Ecotron IleDeFrance - Ecole normale supérieure / PSL University / CNRS)

Objectifs de Développement durable

pictODD

  • Objectif 13 : mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques
  • Objectif 15 : vie terrestre (forêt, désertification et biodiversité)

Référence

Behavioural hydroregulation protects against acute effects of drought in a dry-skin ectotherm Mathias Dezetter, Jean François Le Galliard, Olivier Lourdais. Oecologia (in press)

Contact

Olivier Lourdais
Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC - CNRS / La Rochelle Université)
Cécile Ribout
Correspondante communication - Centre d'études biologiques de Chizé (CEBC - CNRS/La Rochelle Université)