Une arme de chasse vieille de 23 000 ans retrouvée sur le site des Prés de Laure (Var, France)

Résultats scientifiques Interaction Homme-Milieux

L’étude des armes préhistoriques dépend de la nature des découvertes archéologiques et de notre capacité à les reconstituer au moyen d’analyses technologiques, fonctionnelles et expérimentales. La découverte des fragments d’une pointe en os associée à 11 barbelures en silex apporte un éclairage inédit sur la façon dont nos ancêtres chasseurs-cueilleurs concevaient leurs armes il y a 23 000 ans. Une étude pilotée par le CNRS et l’Université de Liège et publiée dans la revue Journal of Archaeological Science.

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Vue du site des Prés de Laure en cours en fouille (2015) et détail sur le secteur ayant livré les restes de chevaux associés à l’arme de chasse Crédit image : ©Photographie du site de Guillaume Porraz (CNRS), ©Relevé photogrammétrique de Sabine Sorin (CNRS)

Depuis 2013, une équipe internationale coordonnée par des chercheurs du CNRS (UMR 7041 ArScAn/AnTET – Université Paris Ouest et UMR 7264 CEPAM-Université Côté d’Azur) et de l’Université de Liège fouille le site préhistorique des Prés de Laure (Comps-sur-Artuby) localisé dans la vallée du Jabron (Var, France). À la faveur de conditions de préservation tout à fait exceptionnelles, les chercheurs ont mis au jour les restes d’occupations humaines orientées vers l’exploitation saisonnière de troupeaux de chevaux, ainsi que l’attestent les restes anatomiques de plusieurs individus. Sur la base de leurs outillages en pierre, ces occupations humaines peuvent être attribuées au Paléolithique Supérieur et plus précisément à la culture du Gravettien, bien connue en région Liguro-Provençale par les nombreuses sépultures et figurines des sites des Balzi Rossi (Italie) ou encore par les fresques de la grotte Cosquer (Bouches-du-Rhône). La découverte d’un tel site en moyenne montagne apporte des informations inédites sur la façon dont nos ancêtres chasseurs-cueilleurs se déplaçaient et exploitaient les ressources du territoire méditerranéen il y a environ 23 000 ans, au cours du dernier maximum glaciaire, pic de froid intense de la dernière glaciation.

En 2015, les archéologues ont fait une découverte exceptionnelle avec la mise au jour d’une concentration de 11 petites pointes en silex distribuées de part et d’autre des restes d’un élément en os d’une dizaine de centimètres de longueur. Il aura fallu trois années d’étude aux chercheurs de toutes disciplines et de différents laboratoires pour recomposer l’objet et s’assurer de la validité de leur découverte. Dans un cadre interdisciplinaire associant géoarchéologie, analyse spatiale, études paléontologique (micro- et ultramicroscopiques, analyses ZooMS), pétrographique, technologique, fonctionnelle (analyse des fractures, des traces et des résidus) et expérimentale, les chercheurs ont pu reconstituer une arme de chasse prenant la forme d’une pointe en os armée sur ses bords de 11 barbelures fixées au moyen d’une colle. S’il était entendu que nos ancêtres gravettiens étaient chasseurs, la nature et la composition de leurs équipements nous échappaient encore en raison de la rareté de tels vestiges archéologiques.

Le site des Prés de Laure fournit à ce jour le plus ancien témoignage d’une arme de chasse composite (une pointe de nature organique doublée de barbelures d’origine minérale) et ouvre des perspectives de discussion nouvelles sur l’origine, la composition et l’évolution des armes de chasse au cours de la Préhistoire. Quant au mode de projection employé, l’arc, le propulseur ou à la main, il s’agit d’une question qui reste à élucider. Néanmoins, les éléments archéologiques à disposition conduisent les chercheurs à envisager des armements divers et des pratiques de chasse tout aussi variées qui s’adaptaient au milieu et à la nature des proies recherchées.

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Détail sur les 11 barbelures en silex retrouvées en cours de fouille et proposition de reconstitution de l’arme de chasse après étude Crédit image : ©Dessins lithique des barbelures de Michel Grenet (atelier des Tilleuls), ©reconstitution graphique de l’arme de Carole Cheval (artcheograph.fr)

 

Références :

Antonin Tomasso, Veerle Rots, Louise Purdue, Sylvie Beyries, Mike Buckley, Carole Cheval, Dries Cnuts, Justin Coppe, Marie-Anne Julien, Michel Grenet, Christian Lepers, Mondher M’hamdi, Patrick Simon, Sabine Sorin, Guillaume Porraz. Gravettian weaponry : 23,500-year-old evidence of a composite barbed point from Les Prés de Laure (France). Journal of Archaeological Science

Contacts chercheurs

Louise PURDUE
Cultures et Environnements. Préhistoire, Antiquité, Moyen Âge - CEPAM (Université Nice Sophia Antipolis/CNRS)
louise.purdue@cepam.cnrs.fr

 

Guillaume PORRAZ
Archéologie et Sciences de l’Antiquité (ArScAn)/Anthropologie des Techniques et des Territoires (AnTET) (Université Paris Ouest/CNRS)
guillaume.porraz@mae.u-paris10.fr

 

Antonin TOMASSO
TracéoLab / Préhistoire(Université de Liège)
antonin.tomasso@ulg.ac.be

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